Ainsi va la vie... épisode n° 131.. La PHOTO
J’aime quand mes mots au fil de la lecture, comme la chrysalide en papillon, se métamorphosent en images ; qu’ils se projettent et vivent sur l’écran de votre imaginaire. Nous sommes ensemble vous n’écoutez plus ma voix vous découvrez le film…
J’aime ceux qui savent lire dans les yeux, deviner dans un regard, une inflexion de voix, une attitude, un silence plus parlant qu’une tirade qui n’en finit plus… Y lire un mot d’Amour ou un appel au secours sous l’apparence de la désinvolture. Y lire tout autant les défaites que les victoires. Les blessures et les fractures, le bonheur avant le plaisir, les questions non formulées… Y lire la joie ou la mélancolie. Y lire tout ce que l’autre ne sait plus dire. Y lire un état d’âme. Y lire sans besoin d’y rajouter d’inutiles questions. Y lire…
Mais à travers une photo on ne peut lire qu’un instant passé qui n’a peut-être plus cours. A moins qu’il ne se poursuive dans le présent et même se perpétue éventuellement dans le futur. A moins que cette image fragile et fugace ne se soit fixée qu'un court instant avant de s’évaporer et ne devenir qu’un souvenir, lointain souvenir au moment où je vous en parle.
J’ai toujours lu dans les photos. Les visages parlent si bien. Les regards ne mentent pas. Lu au point de ne pouvoir écrire sur un artiste, un article ou un portrait sans poser l’image de son visage, devant moi sur mon bureau jusqu’à en sentir la présence.
Ce matin je suis captif, aimanté, par l’alchimie et la beauté d’une photo et tout ce qu’elle suscite d’émotion. J’ai mis plusieurs minutes avant de pouvoir m’en détacher. Et puis, par crainte de la perdre ou de ne pas la retrouver je l’ai enregistrée dans un fichier pour retourner m’en imprégner ou essayer de la lire comme un message sans mots et vous transmettre ce que je ressens en y mêlant ce que j’ai appris dans d’autres cas qui ressemblaient à s’y méprendre à celui-ci.
Une photo. Une chambre à l’étage. Une femme debout sur la gauche presque dans l’ombre. La moitié de son buste déborde du cadre de la fenêtre ouverte sur sa droite donnant sur une plage, un bord de mer, un ciel crépusculaire naissant et tourmenté sur un fond d’horizon baigné des couleurs de ce soleil couchant.
Elle regarde vers l’intérieur. Le soleil éclaire, découpe et redessine sa silhouette d'un halo de lumière vive. Ses cheveux auréolés de mordoré cerclent son visage dans un flou Hamiltonien.
Elle sourit du bout des lèvres. Pas trop. Juste ce qu’il faut pour que l’image de son visage de trois-quarts face joue avec le contre-jour et par transparence, reflète au mieux ce qu’elle est vraiment à l’intérieur. Ce qu’elle est profondément et que peu savent clairement voir. Peut-être que la vie lui a appris à gérer ses émotions au point d'en devenir avare. Depuis longtemps déjà elle se garde de toute confidence même du bout des yeux, sauf en ce moment précis à travers cette photo.
Que sais-je de cette femme ? Une amie de la toile discrète qui me suit? Je l’ai senti à travers les propos laconiques et doux que nous avons échangés par écrit. J’ai juste été accroché et même plus qu’accroché par cette sublime photo d’elle qu’elle a postée sur sa page et qui est apparue sur mon écran.
Très belle photo. Qui tient plus de la photo d’art que de la photo souvenir. Peut-être parce qu’elle est traversée par une émotion forte, douce et indéfinissable à la fois. A moins que la force que dégage cette photo tienne justement dans le souvenir qu’elle renferme et transporte. Un souvenir dont le secret n’appartient qu’à elle mais me parle, m’émeut et ouvre mon esprit vers des suppositions.
Au premier abord sur les photos précédentes de son profil ou autres publiées pour la forme et sans recherches aucunes, comme de simples photos d’identité vaguement améliorées on pouvait la trouver pas mal, simplement pas mal. Je n’ai pas dit quelconque mais pas mal. Alors qu’étrangement aujourd’hui, à travers cette nouvelle image, tout semble différent.
Cette vision pénétrante de sa personnalité cachée et intime la rend attachante et belle, très belle plus belle encore qu’elle ne doit se voir elle-même. Derrière ces ombres douces et ce contre-jour tout en pudeur, qui préservent et révèlent elle est vraie. Vraie tout en y préservant un doux voile de mystère et de tristesse. A-t-elle envie que quelqu’un le soulève ? Pas sûr. Certains mystères comme des vêtements vaporeux donnent par leur translucidité ou leur opacité bien plus de charme et d’attrait que la nudité.
Cette photo-là, n’a pas été retouchée. Elle a juste ajusté l’éclairage et le contraste pour adoucir certains traits que les ombres crues, sans les rendre disgracieux, aggravent. Une photo où elle se montre et se protège.
Mais quel était la couleur de l’œil derrière l’objectif ? La couleur d’un mari, d’un ami, d’un amant pour capter une image aussi large et saisir à la perfection en un clic ; l’ambiance, le climat, l’atmosphère plutôt que de se contenter d’un écrasant plan visage.
Dans ces jeux de lumières et de demi-teintes qui s’apparentent à une peinture des grands maitres flamands elle est debout dans l’ombre à côté d’une fenêtre ouverte sur la lumière. Une lumière déchirée par des nuages infiltrés des rouges et des violacés de ce soleil à l’agonie avant, si nous pouvions vivre la suite, que cette lumière ne s’assombrisse dans l’entre chien et loup pour disparaitre noyée dans la nuit.
Une femme en retrait, discrète, pensive, presque invisible de l’extérieur. Qui est-elle ? Un amour caché dont il aurait besoin de conserver une trace. Une photo-témoignage secrète. Une photo qu’il dissimulera au fond de son portable. Mais dont involontairement dans la magnificence de sa prise de vue il a recueilli en plus de la photo recherchée un climat en parfait adéquation avec la situation vécue.
D’un côté l’ombre, la femme et son lien. Un doux lien, en corde, en acier, en coton ou en soie, mais une attache quand même. De l’autre côté ; la lumière, la mer le ciel l’horizon et sa liberté. Deux antagonismes qui se confondent. Le lien et la liberté. Deux mots qui commencent par un L. Deux ailes qui ne forment qu’une paire d’ailes. Une paire d’ailes qui pourrait se refermer délicatement sur elle pour l'envelopper et la protéger avec force et douceur dans la chaleur de ses plumes ou se déployer pour s’envoler par la fenêtre ouverte sans se retourner.
A moins que ces ailes hésitent. Hésitent à emporter l’amour vers cet horizon quelques peu voilé mais en plein jour. Sans craintes ou en les bravant, aux vues de tous. Mais pour l’instant il se contente de capter l’instant. Capter l’instant sans songer à demain. Et elle, se contente d’attendre. Impassible mais triste malgré ce léger sourire.
Mais je me fais mon cinéma. J’improvise un scenario que je voudrais le bon et que j’espère faux tant sa mélancolie me trouble.
Et si… et si… Cette photo, à cause de la situation qu’elle laisse entrevoir était postée dans un autre but ? Jetée comme une bouteille à la mer ? Une bouteille peut-être vers celui qui est l’auteur cette photo pour qu’il l’observe mieux, plus profondément avec plus de recul. Mais je crois peu en cette hypothèse. Cette photo comme une bouteille à la mer peut aussi s’adresser à l’inconnu qui saura lire dans son regard, et tout ce qui émane de cette photo.
Bouteille à la mer. Elle n’a pas peur du temps qui passe elle craint juste le trop peu de temps qu’il reste même si elle ignore avec exactitude où se situe le point de non-retour.
Consciente qu’elle ne pourra pas refaire à l’envers le chemin parcouru pour rectifier les erreurs et s’y prendre autrement pour réussir là où elle a plus ou moins échoué, à travers cette photo elle fait une pause. Une pause où le gout de l'espérance couvre les saveurs les plus amères
Car si les échecs et les erreurs se révèlent des expériences profitables dans son cas, aujourd’hui, ils constituent simplement un vécu, son passé, la bibliothèque de ses souvenirs avec ses plaies et ses bosses, ses cicatrices imprimées dans sa mémoire, sur le grain de sa peau, au plus profond de son cœur et par procuration dans la chair de sa chair. Un passé ou les joies cachent les peines et les rires occultent les larmes.
Que peut-elle en tirer de positif pour l’avenir ?
Elle ne sait plus. Elle ne s’interroge plus ni avec sérieux ni avec humour. Elle ne nage plus non plus dans le doute mais dans le ciel vide de l’ignorance.
Ses besoins ses envies sombrent le plus souvent dans une mer à l’horizon morose teintée de fatalisme. L’avenir est-il encore un mot auquel elle pense ? Oui et non ! Sauf peut-être aujourd’hui en postant cette photo. Elle ne vit plus elle survit. Elle fait encore des projets immédiats et jette quelques plans sur la comète sans conviction. Pourtant, Il suffit de peu pour qu’elle positive, qu’elle sourit, qu’elle rit qu’elle donne l’impression que…
Oui sa photo est certainement une bouteille jetée à la mer. Mais qui saura lire entre les lignes de sa photo.
Il y a pourtant de l’espoir dans l’ombre noire de son désespoir. Chaque fois qu’elle poste une photo même inconsciemment elle jette une bouteille à la mer chargée d’un S.O.S. Et cette fois-ci plus encore que les fois précédentes.
Cette bouteille contient un message. Pourtant si cette photo n’était qu’un papier roulé comme un parchemin noué d’un ruban rose elle n’y aurait rien écrit. Le papier serait blanc. Il faudrait y lire les mots qu’aucune encre n’aurait su poser. Blanc comme son avenir où tout est à écrire, réécrire, inventer, nourrir, faire pousser. Blanc et pur comme tous ses sentiments. Et si le temps qui reste lui semble bien court l’espoir qui l'aide lui laisse à penser que tout est toujours et encore possible.
Cette photo n’est pas la première qu’elle lâche au gré des vents porteurs, mais la plus émouvante. Avec les précédentes ; au-delà des échanges courtois il y a bien eu quelques compliments flatteurs… flatteurs mais d’une banalité affligeante, sans recherches, sans finesse, sans esprit. Elle avait fini par se convaincre que non, au fond ce n’était ni le support, ni le lieu, ni le sujet. Sauf un jour.
Un jour. Elle s’en souvient si bien. Il était dans sa liste d’amis et c’était malgré tout une des rares fois où elle croisait son visage. Elle osa s’attardait sur son image qui l’emmena à lire son profil. Il n’y eut pas besoin de jouer la séduction elle fut immédiatement séduite. Mais à quoi bon. Ils n’avaient d’après elle rien à voir, rien de commun à part cette attirance empathique du au physique.
Et puis elle n’aurait pas su comment l’aborder sans crainte de tomber elle-même dans la banalité qu’elle avait précédemment vécue. C’est là qu’elle se rendit compte que la démarche dans l’autre sens n’était ni aisée ni simple. Elle poussa plus loin ses investigations et chercha à travers ses publications à savoir qui il était, à quoi il s’intéressait afin de se confirmer que derrière cette belle gueule ne se cachait pas un abruti de première. par timidité moins que par peur du ridicule elle ne poussa pas l'audace à aller au bout de sa démarche … Aujourd’hui encore elle y pense.
J’improvise un peu, je rêve, je n’invente pas, je suppose en me basant sur d’autres cas dont je connais histoires et démarches.
Mais aujourd’hui, que révèle cette photo si touchante ? Faut-il vraiment y lire un message ? Pourquoi et vers qui l’a-t-elle publiée ? Pourquoi aller chercher plus loin et des raisons plus profondes que la simple envie de partager une belle photo ?
Une de plus une de moins que risque-t-elle ?
Même si je suis convaincu que la vraie réponse se trouve dans mes ressentis ; peut-être, que son choix, mais j'en doute, ne tient qu’à la qualité esthétique de la prise de vue où elle-même, avant que je ne l’écrive, s’était trouvée bien mieux que pas mal sans oser s’avouer qu’elle y était attachante et belle, très belle.!
La magie de la photo c'est de rendre l’oubli immortel.
Ainsi va la vie….
Williams Franceschi
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