Ainsi va la vie… épisode n°86 … Non ! Je n’ai rien oublié…Jacqueline DANNO
Hier j’ai appris par un post de sa fille Gaëlle que Jacqueline Danno était partie pour son dernier voyage.
Ce matin je ne me suis pas réveillé après une nuit de sommeil normale non pas normale du tout. Une nuit ou j’ai eu l’impression de ne pas avoir dormi… une nuit ou j’ai remonté le temps… une nuit remplie de fantômes, de merveilleux fantômes.
Jacqueline est partie…
Je croyais que je ne pleurerai pas et puis je n’ai pas cessé. La distance plus que le temps nous avait éloignés, légèrement, juste éloigné jamais oublié ! Juste éloignés. C’est la vie.
En novembre 2017 je lui avais dédié une chronique dont elle avait eu connaissance et comme je savais qu’elle n’était pas adepte d’internet je lui en avais envoyé une copie imprimée par la poste et nous nous étions rappelés. Un échange chargé d’émotion qui avait duré une heure peut-être beaucoup plus… avec en promesse à la fin qui n’en finissait plus, de ne plus laisser passer autant de temps sans nous appeler.
Jacqueline ce fut mon amie, l’amie d’entre les amis. La première à mes débuts qui m’ait tendu la main et le cœur.
J’avais écrit :
C’est l’amitié du temps qui passe
L’amitié qu’on n’oublie pas
Parc ’qu’elle a laissé ses traces
Dans nos pas…
J’aurais tant à dire et à écrire sur la femme, l’amie et l’artiste… Deux phrases. La première quand j’avais décidé de lever le pied sur la chanson pour me consacrer à l’écriture et a des boulots plus alimentaires que passionnants, dans une période que nous appellerons « creux de vague » alors qu’elle-même vivait discrètement les mêmes creux, elle fit tout pour m’en dissuader avant de conclure par : « Ne chante plus, ne joue plus mais surtout n’arrête jamais d’écrire tu n’as pas le choix. L’écriture ce n’est pas ta vocation …L’écriture c’est ton sang .
Et une autre aussi qui m’a touché au plus profond. Je vivais un amour exceptionnel mais qui devenait compliqué et certainement parce qu’elle devinait tout, elle m’avait dit : Tu aimes les femmes, les femmes t’adorent et pourtant tu devrais les détester. Tes blessures sont ta force. Et sur un éclat de rire dans sa loge elle avait conclu par : Alors ne perd pas de temps va écrire la chanson que je t’ai demandée…
Merci Jacqueline …
Chronique publiée en novembre 2017:
Non ! Je n’ai rien oublié…Jacqueline DANNO
En rangeant des photos je suis tombé, comme ça nous arrive à tous, sur des clichés dont je n'avais gardé qu'un vague souvenir. Certaines m'ont fait sourire d'autres ému aux larmes. Mais l’important ce n'était pas tant les photos par elles-mêmes témoins d’un jour, d’un instant, d’un lieu ou d’une situation mais toutes les images qu’elles génèrent et les souvenirs qu’elles font resurgir, surtout quand on n’a rien oublié. Et non ! Je n’ai rien oublié.
Cette photo avec Jacqueline Danno, on était loin des selfies puisque les portables n’avaient pas encore envahi nos vies, fut prise en 1996 pour le 50ieme anniversaire du festival d’Avignon. Elle y jouait dans la cour d’honneur. J'y retrouvais Jacqueline que je n’avais pas revue depuis 1974 une paille et pourtant au fil de nos discussions nous avions l’impression de nous être quittés la veille.
La veille dans la loge commune du Don Camilo. Une période courte mais intense. Jeune débutant, fauché évidement avec pour seuls bagages quelques gros cahiers à spirales noircis de centaines de chansons, un tour de chant et d’imitations, des ambitions démesurées et une jolie gueule dont je n’étais pas conscient. Seul à Paris où je venais de débarquer, c’est à la porte de ce cabaret que j’avais frappé en premier. J’y rencontrerai Serge Lama, Jean Constantin, Isabelle Aubret, Marcel Zanini et tant d'autres pointures qui marqueront ces débuts plus compliqués que difficiles et surtout Jacqueline Danno.
Ce n’est pas moi qui suis allé vers elle mais le contraire. Etrange non ? Ce dimanche 4 novembre à cinq heure elle venait faire la balance avec son pianiste je venais juste de terminer mon audition. Nous nous sommes croisés sans qu’elle m’entende. Discrètement je suis resté dans la salle. Sa directrice artistique s’est assise à côté de moi, nous avons échangé trois mots de présentation et curieuse elle a voulu lire un de mes textes je lui en ai tendu un cahier entier que je gardais dans ma sacoche, elle l’a feuilleté, et puis malgré la semi obscurité s’est arrêté sur certaines chansons. Elle m’a demandé si j’avais des musiques je lui ai répondu simplement par un : « Oui ! » brut et sans fioritures. Du haut de mes 17 ans, je n’étais pas très loquace. A la fin de la balance elle m’a dit sur un ton qui ne me laissait pas le choix: Il faut absolument que je te présente Jacqueline.
Il a suffi de quelques mots, quelques, sourires, quelques regards pour que cette femme exceptionnelle à la ville comme à la scène me devine mieux que quiconque. Mais surtout me prodigue des conseils essentiels et m’aide. Pour les conseils professionnels, au-delà de ceux qu’elle m’offrait et dont je m’abreuvais comme d’une potion magique, j’ajoutais la pratique à la théorie en l’observant sur scène. Quelles leçons ! Elle y était tellement extraordinaire que chaque soir j’en prenais plein les yeux, les oreilles et les tripes. Et puis il y avait les conseils de l’amie qu’elle devint peu à peu. Et là elle me boostait, me bousculait ou me consolait. Lui dire merci, même si je l’ai déjà fait maintes fois, sera toujours bien court ! Non je n’ai rien oublié…
J'avais à l'époque écrit deux chansons; non pas pour Jacqueline mais sur Jacqueline. La première " j'ai besoin d'elle" je l'ai chantée, la seconde " La chanteuse" je vous la livre et si elle lit cette chronique, car je crois qu'elle ne la connaît pas, je lui offre.
(…à Jacqueline Danno)
Elle glisse d’un pas rapide sur ce parquet qui craque
Le rideau se retire elle écoute son cœur
Comme pour calmer ses mains et maitriser son trac
Elle s’accroche au micro et le règle en hauteur
Elle savoure cet espace infiniment précis
Où les oreilles bourdonnent d’un étrange silence
Le public attentif n’est pas encore conquis
Mais elle le sait captif figé par sa présence
Si la salle s’est cachée sous son grand drapé noir
Elle devine tous ces gens elle ressent leurs regards
Car malgré l’éclairage après quelques instants
On distingue des visages surtout aux premiers rangs
Après quelques paroles poussées a capella
Comme un début de film images en noir et blanc
Les notes du piano viennent enrober sa voix
Et poser des couleurs sur les arrière-plans
Chaque mot se découpe sur le fil de ses lèvres
L’orchestration s’efface face à la mélodie
On dirait qu’elle a froid ou qu’elle cache une fièvre
Car bien plus que chanter elle vit tout ce qu’elle dit
Elle vit, elle rit elle meurt et souffre tell ’ment fort
Que ses doigts caressants vibrent encore et encore
Ses longs doigts qui expriment ce que ses yeux retiennent
Vont coucher dans l’espace l’émotion qu’elle égraine
Habillée de son rôle de soie ou d’oripeaux
Dépasse son personnage pour en voler la peau
Elle ne joue plus elle vit jusqu'à nous laisser croire
Qu’il n’y a pas d’auteur… elle joue sa propre histoire
Willy (Novembre 1973)
Voilà, juste un hommage, car si on ne dit pas assez : « Je t’aime » à ceux qu’on aime on ne dit pas non plus assez « Merci » à ceux qui furent là quand nous en avions besoin. Merci Jacqueline… Non! Je n’ai rien oublié.
Ainsi va la vie…
(A suivre…)
Williams Franceschi
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