Ainsi Va la Vie… épisode n° 260… Un amour imprévu, insoupçonné, inattendu… comme tombé du ciel.
Un amour imprévu, insoupçonné, inattendu… comme tombé du ciel. Je n’ai jamais dragué… c’est drôle ça non ? m’avait-il avoué. Tout s’est toujours fait du bout ou du fond des yeux presque sans un mot dans un jeu scintillant de regards entre la braise et l’étincelle. Mais là, si tout semblait pareil, tout lui traversait le corps et l’esprit différemment des autres fois.
Fragiles, infiniment fragiles les sentiments suspendus à un fil… Ce fil qu’on croyait d’acier et n’était que de coton. Au fond, c’est surtout le fil qui fragilise les sentiments. Les sentiments ont une force à toutes épreuves mais pas le fil. A quoi tiennent les choses. Il suffisait de presque rien, peut-être dix années de moins disait la chanson. Peut-être ? Peut-être pas ! On ne refait pas sa vie, on la poursuit. On la poursuit parfois dans le doute. On s’aveugle même pour ne pas reconnaitre l’erreur de trajectoire. Il arrive qu’on se contente de l’acquis pour ne pas risquer de le perdre. Et l’on évite peut-être un terrible fiasco ou l’on passe peut-être, à côté, juste à côté, alors que son parfum nous grisait et nous remplissait déjà la mémoire, de la plus merveilleuse des histoires.
Pour avoir vécu des ruptures sans avoir subi de désamours, il savait que sans rien voir venir, on peut passer en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, du rire aux larmes et de la chaleur d’une présence au froid glacial d’un profond silence. Mais aussi, à l’inverse, de la presque banalité d’un quotidien bien huilé au portes du paradis et quelque fois bien au-delà des portes. Mais faut-il oser franchir le pas.
Rien ne se prêtait à ce qu’ils se rencontrent. D’ailleurs, qui aurait pu le prédire ou s’en douter ? C’est sans se le confier ce que chacun de leur côté ils se disaient en silence. Et qui aurait pu deviner que son absence lui fasse aussi mal ?
Par orgueil par fierté, Il l’a seulement pleurée, seul dans la chaleur de sa chambre et plusieurs nuits en regardant les étoiles. Il n’a ni pu ni su lui dire ou lui écrire que chaque minutes sans elle ; pesaient des heures, chaque jours des semaines, chaque mois une éternité. Elle ne le saura jamais, tant pis. Il n’avait plus d’encre et plus la force pour demander à un quelconque ami Pierrot de lui prêter sa plume. Alors, derrière les sourires et les apparences, il a fait semblant de l’oublier.
Mais les histoires ne sont qu’un éternel recommencement. Jean et moi sommes deux amis, des vrais et depuis des lustres. A-t-on jamais calculé précisément depuis quand ? Quelle importance ? La réponse nous filerait un terrible coup de vieux. On se croise, pour des raisons presque professionnelles, à la terrasse du même café deux à trois fois par semaine. Des habitudes, proche du rituel, qui se sont instaurées au fil du temps. Quel que soit le garçon, il nous sert sans besoin de lui passer commande. Il y a des endroits comme ça ou l’on se sent chez soi. Une parcelle de l’âme du lieu nous appartient. À moins que ce soit nous qui lui appartenions. Ce café n’est pas devenu une annexe de la maison mais les jours de grands troubles ou de profonde solitude, il tend à le devenir.
Jean est un ami, on s’est déjà accroché, même violement opposé, mais jamais fâché. En extrapolant, on pourrait dire qu’on se connait par cœur et même qu’on se ressemble si ce n’était un rien exagéré. Il peut compter sur moi et il m’a prouvé à maintes reprises que je pouvais compter sur lui. Sauf que pour l’instant, à part pour des broutilles qui ne demandent aucun effort, je ne lui ai jamais rien demandé. Mais ai-je jamais demandé à quelqu’un de me sortir d’un mauvais pas, ou de me faire bénéficier d’un quelconque privilège ? C’est dans mon caractère et la vie m’a montré que n’être redevable de rien et envers personne vous fait parfois marcher le ventre creux et les muscles tétanisés, mais le cœur léger. Et puis j’ai une telle aversion pour l’opportunisme à travers un ami ou quiconque d’ailleurs, que même le frôler me répugne. A cause de ce caractère et de mes convictions, un rien têtu, je suis certainement passé à côté de belles réussites. Ai-je eu raison ? Ai-je eu tort? Qu’importe, on ne reviendra pas en arrière. C’est aussi un grand bonheur de marcher droit dans ses baskets… Mais, je m’éloigne.
Avec cet ami, on est bien ensemble. On partage et on a beaucoup partagé jusqu’aux confidences les plus intimes et dans mon cas, dans la limite du raisonnable, car au fond, je me livre peu même si on me confie beaucoup.
Mais depuis peu, il a changé. On ne change pourtant pas aussi radicalement en si peu de temps. Que se passait-il ? Je le trouve bizarre. Lui d’habitude si avenant, si souriant, si enclin à parler de tout, de rien, prêt à refaire le monde le temps d’un café, s’est inscrit aux abonnés absents. Il a mis son esprit en berne et son corps en cale sèche. Depuis peu, il ne répond à mes bonjours que de loin, d’un signe de la main ou d’un sourire pincé, juste du bout des lèvres, avec cette façon trop rapide de fléchir le regard comme s’il ne voulait pas communiquer. Et pour ne pas qu’il le ressente comme un affront, puisqu’il est toujours arrivé avant moi, je ne m’assois pas à une autre table qu’à la sienne, je bois mon café sur le pouce, au comptoir, en feignant d’être pressé.
Quelque chose ne tourne pas rond, mais quoi ? Tracas, ennuis, chagrin, tristesse, simple envie de rester seul ? Pouvais-je m’approcher ? L’interroger en douceur ? Ne rien brusquer pour essayer, juste essayer de l’aider ? Parfois ce que l’on pense être une aide par la présence et les mots, aggrave plus encore la situation de celui qui a juste besoin de silence, même pas besoin de faire le point, juste faire le vide.
Les conseils, les ressentis, le vécu perso qui devrait servir d’exemple à suivre ou à éviter, l’autre s’en fout comme de l’an quarante. Que tu sois déjà passé par là et que tu l’en informes, ne changera rien à son état. Et tous les mots, seraient-ils les plus bienveillants du monde deviennent lourds, terriblement lourds et n’arrangent rien. Ton histoire c’est ton histoire, pas la sienne. Et ces mots qui partent du meilleur sentiment, de la plus noble attention, même de les écouter, même si on les emmène en douceur comme une caresse, ne sont pas les bienvenus au contraire, ça vous fatigue encore plus !... Y’a des moments on ne demande pas d’être compris, on demande juste qu’on nous foute la paix… Je savais tout ça. Alors, pour ne pas creuser plus profondément le fossé, dans le doute ; je me suis contenté d’une tape sur l’épaule, de blagues de potache, et surtout d’attendre que les nuages qui noircissaient son regard se dissipent. Attendre. Rester sur le qui-vive de loin. Observer sans intervenir. Laisser faire le temps. Attendre.
Il aura fallu plus d’un mois pour que le contact s’établisse, ou se rétablisse. Je ne m’étais même pas posé la question bête qu’on se pose tous dans ces circonstances ; y suis-je pour quelque chose ? Est-ce qu’inconsciemment j’ai pu me rendre coupable d’… Une maladresse ? Un quiproquo ? Une erreur ? Que sais-je ? Non, ce genre de questions ; je me les suis posé d’autrefois, avant, ailleurs, presque sous d’autres latitudes dans des cas bien différents où je me savais impliqué, par ricochet ou la force des choses mais là ; ça ne pouvait pas être le cas.
Tout vient à point a qui sait attendre, mais l’attente parait parfois interminable.
Et puis un matin, sans me demander de m’assoir, en me voyant arriver dans ce café des copains, il retira prestement sa sacoche et son blouson de la chaise d’à côté de la sienne en signe d’invitation à y prendre place. Et après les politesses d’usages, je lui lançais un peu abrupt :
– Alors ? Qu’est-ce qu’il t’arrive ?
C’était le bon jour. J’avais bien fait d’attendre. A sa façon de se mordre la lèvre je savais qu’il n’hésitait pas à m’expliquer, il cherchait juste les mots justes pour être clair et précis.
– Il m’arrive un truc de folie !
– Ha ! De folie ?
– J’ai rencontré…
– Un ange !?
– Presque.
– Presque ?
– Une femme et…j’en suis …. Amoureux fou.
– Waouh ! Ça c’est génial.
Il baissa les yeux sur sa tasse presque gêné en guise de réponse.
– Y‘a un problème ?
– Oui.
– Ha ?
– Je suis terriblement amoureux et je sais, je sens, je… que je ne pourrais pas lui apporter ce qu’elle attend.
– Et elle attend quoi ? Elle te l’a dit ?
– Non. Mais je le sais. Enfin, je crois… Si ça n’avait été que l’aventure d’un soir, d’une semaine, d’un mois… mais bizarrement…
– Mais tu devrais sauter de joie au contraire. Et elle partage ton … ? Enfin
– J’en sais rien. Il ne s’est rien passé de concret. Enfin rien, mais tellement plus que…
– Tu es amoureux d’une supposition.
– Y’a d’ça.
– On dirait un ado ! En tout cas c’est plein de pureté. Ce côté juvénile… je trouve ça… merveilleux.
– Comme tu dis. Et c’est exactement ça qui me fait reculer.
– Mais avant de reculer il faudrait peut-être savoir si elle vit ce coup de foudre comme toi.
– J’en sais rien. Et j’espère… que non.
– Ah bon ? T’es complètement sur une autre planète. Et au fait, question stupide, elle est belle ?
– Elle est… normale. Enfin non non ! Elle est très jolie et puis elle a un charme qui… Evidement moi je la trouve… mais quand on ressent ce que je ressens.
– Heu ! Elle t’a quand même un peu secoué les neurones ta gazelle. Et qu’est-ce qui t’empêche d’aller plus loin ? Ou du moins d’essayer d’aller plus loin ? Ah mais c’est vrai que tu n’es pas vraiment libre non ?
– Oui, un peu…
– Un peu ?
– J’ai passé l’âge d’envisager de refaire ma vie.
– C’est un faux prétexte. Que tu aies peur de faire du mal ou de blesser ton entourage, de t’éloigner de ceux qui ont encore besoin de toi, ça peut se comprendre et ça s’étudie. Mais que tu penses qu’il y ait un cap fatidique au-delà duquel on ne peut plus changer d’horizon et d’avenir c’est bidon. Et même sur le fond c’est idiot ! Dis-moi que tu as peur d’essuyer un échec ? De ne pas lui plaire ? Que ça ne fonctionne pas ? Ou autre chose ? Mais pas le coup de l’âge. D’ailleurs le coup de l’âge ce n’est pas tant pour ton look qu’il te chiffonne que pour ton coté protecteur exacerbé qui refait surface. Elle a peut-être pas besoin d’un bodyguard au mieux de sa forme ton amoureuse ?
Il me jeta un regard dur et tendre qui confirmait l’exactitude de mes affirmations.
– Tu n’inverserais pas un peu les rôles ? C’est toi le protecteur moi je…
– Sur ce plan je crois qu’on se ressemble ou qu’on a déteint l’un sur l’autre.
– Bref, si tu veux et qu'est-ce que tu lui trouves… à ta pas belle mais très très jolie?
– Je lui trouve, tellement de sensibilité, d’intelligence, de finesse… elle dégage en plus d’un charme que je pourrais essayer de définir… mais on en aurait pour deux plombes
– Alors, Jean, qu’est-ce qui te freine ?
– Je me regarde encore dans la glaces tous les matins et...
– …et alors ?
– Je doute de moi, de ma gueule, de mon physique.
– T’es malade ? T’es grave malade. Faut consulter. T’as toujours eu un succès incroyable et là d’un coup…
– Justement. Incroyable ! Et j’ai jamais vraiment compris pourquoi. Avant c’était avant, mais maintenant ?
– Ben maintenant, c’est maintenant. Et c’est plus exactement les mêmes arguments.
– Sauf qu’avec elle…
– T’aimerais être l’homme que tu étais y’a vingt ans.
– Peut-être !
– Ben mon pote, c’est pas possible. Emballé plié plus possible! En plus elle s’en fout ta dulcinée puisqu’elle ne l’a pas connu le mec d’avant. Et tu veux que je te dise ; tant mieux. Parce que le mec d’avant il était très beau !
– Non, pas très beau !
– Si, très beau. Mais qu’est-ce qu’il était chiant ! Mais alors qu’est-ce qu’il était chiant.
– Noooonnnn
– Siiiiiiiiii. A choisir elle y gagne… parce que t’avais beaucoup de qualités, mais t’as quand même perdu en connerie ce que t’as gagné en sagesse ! Prendre de l’âge ça a aussi du bon, pas que, mais du bon quand même. Ceci dit, on va pas y passer la nuit. Si tu doutes, à moins qu’elle ait l’âge de ta fille, ce qui m’étonnerait, dis-toi qu’elle aussi elle doit douter. Un peu sur sa beauté et au-delà de son charme, plus que tu ne le crois sur son pouvoir de séduction.
– Mais non !
– Mais si
– Et elle fait quoi dans la vie ta mystérieuse amoureuse ?
– Avec passion un métier rare et passionnant. Le genre de métier qui demande des années d’apprentissage et où, à chaque nouvelle expérience, pour une courte période de satisfaction tu rames pendant des mois.
– Si tu pouvais être plus flou pour noyer le poisson…
– J’ai pas très envie de m’étaler sur le sujet.
– Sans jeu de mot, c’est rare surtout quand on est amoureux.
– T’es bête !
– J’avais compris. Donc, t’es amoureux d’une femme qui passe l’essentiel de son temps à bosser, et qui entre deux, s’il lui reste un créneau sur son planning, un arrêt de taxi entre deux trains, si elle a la tête à ça, te consacrera une part du peu de temps qui lui reste. Et en plus tu n’es même pas certain, pour l’instant, de lui avoir provoqué la moindre pulsion cardiaque. Evidement nous ne parlons ni d’adrénaline ni de dopamine. Et oui, le cœur n’est qu’un organe et nos réactions ne sont que chimiques. Avant d’être magiques, mais ça c’est une autre histoire.
– Tu résumes à l’emporte-pièce. Le problème, c’est pas elle. C’est moi ! Et c’est un peu tout à la fois. Je me souviens d’une phrase qui disait à peu près : « A quoi servent les baisers volés sans avenir ? »
– A vivre l’instant présent mon ami, à vivre l’instant présent. A savourer chaque milliseconde de ce plaisir qui se confond en bonheur sans penser à plus tard.
– Mais on ne peut pas vivre que dans le présent ?
– Mais on ne vit… que dans le présent.
– NOoooon !!
– Siiiiiiiiii ! Bien sûr que si ! Si le passé constitue notre terreau et nos racines, le futur n’existe pas encore. Il n’y a que le présent qui t’entoure. On peut faire des projets, jeter des plans sur la comète, jouer les prévisionnistes, mais la seule chose dont on soit sûr, c’est le présent. Bien sûr on a besoin de se projeter et nos visions de l’avenir sont d’importance. Mais la vie ; c’est aujourd’hui, maintenant, tout de suite, le reste, provisoirement on n’y est pas encore. Et puis selon l’âge on n’est pas pressé d’y arriver.
– A t’écouter tout est simple.
– Mais tout est simple !
– Alors, peut-être que mon présent me convient et que je ne veux pas en sortir ?
– C’est possible ! Mais ça ne dépend pas que de toi.
– Ah bon ?
– Et non ! En amour, c’est l’Amour qui décide ! Tu crois que tu choisis mais tu te trompes, c’est l’Amour qui décide.
Ainsi Va la Vie….
Williams Franceschi
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