Ainsi Va la Vie... épisode n°95... " DIS C'EST QUAND QU'ON EST VIEUX ?"
Vaste question. Tout dépend si l’on parle de la carcasse ou de l’esprit. Du chiffre qui s’affiche au compteur ou du nombre ressenti. Pour une majorité d’adulte on est vieux à partir de 70 ans. Terrible conclusion à laquelle je n’adhère pas. Je situerais la barre plus facilement sur la lisière de la décennie suivante.
Pour les enfants on est vieux aux environs de 45 ans. Et une fois encore la vérité sort de la bouche des enfants ou presque puisque si c’est souvent un âge où l’on est le plus épanoui, c’est aussi mécaniquement à partir de ce cap, que tout doucement les choses ne s’améliorent plus.
Si les femmes sont plus femmes que jamais, elles envisagent rarement, à quelques exceptions près, de devenir ou redevenir maman. Sans compter que la nature s’en mêle puisqu’à partir de cet âge les grossesses, lorsqu’elles sont encore possibles, sont à risques.
Au même cap des 45 bougies, professionnellement hommes ou femmes, à moins d’avoir une âme d’aventurier ou d’être inconscients, ont intérêt de s’accrocher des deux mains à un solide emploi parce qu’en cas de perte, les offres se font rares. Pour trop d’employeurs, après 45 ans et ne parlons pas de la cinquantaine, vous n’êtes pas vieux mais tout simplement : has been !
Si l’on s’en tient à ce critère ; 45/50 serait la date limite de péremption. Et même si l’on sait que si cette date inscrite sur les emballages alimentaire n’est qu’indicative, malheureusement sur un CV la date de naissance plus qu’ hyper sélective devient fatidique. Alors est-ce à partir de là qu’on est vieux ?
Pour les comédiens et plus encore les comédiennes, même les plus connues, le couperet tombe à la cinquantaine ! Bing ! Encore trop jeunes pour beaucoup de rôles et déjà trop âgées pour une majorité… Le cap de la cinquantaine chez les artistes, c’est du moins ce qu’un grand nombre de mes amies m’avouent, est certainement le plus difficile à franchir quand elles parviennent à le surmonter, ou que dégoutées elles ne raccrochent pas définitivement les gants lasses d’attendre que le téléphone daigne sonner.
Dans son livre « Moi vieillir… plutôt Crever ! » Sophie Darel et son homme et complice Jack Anaclet dévoilent à travers de nombreux témoignages de personnalités les diverses manières d’aborder, de vivre ou de subir les affres ou le bonheur de cette période de la vie. Si ce sujet vous intéresse je vous le conseille vivement.
Pour beaucoup on est vieux quand on prend sa retraite alors que pour bien des retraités c’est là qu’une nouvelle vie commence.
A vrai dire on sait parfaitement situer l’enfance, la jeunesse, l’âge mur, mais imaginer qu’on s’approche de la porte de sortie nous effraie et c’est normal. Dans notre imagination la porte de sortie frôle le siècle. Donc, à moins d’un arrêt inattendu et inopiné sur le dernier tronçon chacun a tendance à calculer le temps restant. Le temps restant avec l’espoir de ne pas sombrer dans les méandres d’une maladie dégénérative dont hier encore on ignorait le nom, comme Alzheimer et quelques autres, mais qui existaient déjà.
Je crois surtout que c’est le mot vieux qui effraie, plus que le verbe vieillir. Le monde, la science, la médecine, l’alimentation, notre hygiène de vie ont tellement évolués qu’il est bien difficile de se projeter dans le futur en se référant à des images du passé.
En 1918 l’espérance de vie en France était de 48 ans aujourd’hui de 84 et ça ne cesse d’augmenter.
Mon grand père est mort a 70 ans en 1973 c’était un vieillard. Un vieillard tel que l’imagerie populaire nous l’a toujours montré. Aujourd’hui il ressemblerait à un homme de 95 ans ou plus… Nous avons gagné en longévité mais aussi en aspect. Les vieux d’aujourd’hui sont vach’ment djeuns…
S’il y a des généralités incontournables, dans le détail nous ne sommes évidemment pas tous logés à la même enseigne.
Par l’entretien ou la génétique certaines femmes resteront des pin-up à un âge avancé et certains hommes de fringants play-boys, mais ça grince quand même aux entournures et certaines parties du corps que je n’énumèrerai pas se casse un peu la figure ; mais est-ce bien grave ?…
Et puis il y a le vécu. Les corps s’altèrent, s’abiment, s’usent, un footballeur professionnel de 38 ans a les genoux d’un homme de 80 et je ne vous parle pas des épaules, des poignets et des coudes d’un tennisman. Du dos d’un maçon, des épaules d’un gymnaste, et même des doigts d’un dessinateur. Uderzo le papa d’Astérix a du arrêter de dessiner parce que les douleurs dans ses doigts étaient devenues insupportables tant les articulations étaient usées… Presque tous les métiers laissent des séquelles irréversibles qui se révèle parfois à un âge loin d’être avancé.
Et puis il y a le pire ! Les coups durs et les coups bas de la vie. La maladie, la perte d’êtres chers, tous ces évènements de malheur qui ont en un instant détruit nos projets d’avenir et nous ont fait prendre vingt ans en trois jours. Il arrive que l’on surmonte les douleurs, qu’on s’y acclimate, il arrive aussi qu’on ne refasse jamais surface.
On dit aussi qu’on a vieilli quand on ne fait plus de projets immédiats ou à moyen terme. C’est sûr ! Mais il y a projet et projets. Et il y a tellement de belles choses à réaliser, que les projets devraient foisonner. De très grands ou de tous petits qu’importe. Et pour ça, il n’y a pas d’âge. Plus qu’une échappatoire les projets sont des bouées de sauvetage.
Difficile de dire quand est-ce qu’on est vieux au-delà des chiffres.
Il y aura toujours quelqu'un pour nous rappeler que vieillir est un naufrage. Je répondrais que ça dépend pour qui. Il y a des naufrages Titanesques et de sublimes échouages sur des plages paradisiaques.
Plaire peut être un bain de jouvence. Il y aura toujours ceux qui se cachant derrière leur petit doigt ou alors imbu d’un égocentrisme a toute épreuves vous lanceront comme une victoire : « Pourvu que je me plaise à moi ! » (Et le : « à moi » est systématique) Ceux-là, me font tristement penser à ces chanteurs, surtout des auteurs-compositeurs qui me disaient : Quand j’écris, j’écris d’abord pour moi… « Et ben chante le dans ta salle de bain ton chef-d’œuvre ! Parce que si ta chanson te ressemble et que tu y as mis tout ton cœur tu l’as quand même écrite pour un public. Dans le cas contraire faut te reconvertir en moine-chanteur…
Pourquoi cet aparté ? Parce qu’on ne s’apprête pas, on ne se maquille pas uniquement par respect de soi-même. C’est bien mais ce n’est pas suffisant. Il faut que ce soit aussi pour briller un tant soit peu dans le regard des autres. On n’existe pas uniquement pour soi… et le jour ou le reste nous devient étranger je crois qu’on est vieux !
Alors si l’on parle de la carcasse ; on vieillit mieux aujourd’hui et l’on n’entre pas dans la vieillesse au même âge qu’avant. Physiquement je crois qu’on vieillit le jour où l’on cesse ; non pas de plaire mais de chercher à plaire. Au-delà des mécanismes cérébraux et chimiques, je crois qu’on vieillit le jour où le miroir de la salle de bain a pris plus d’importance que le miroir des yeux de l’autre… ou des autres.
Une amie, qui a franchi le cap de 70 printemps et qui pourrais faire pâlir de jalousie toute une génération de quinqua, m’a dit un jour après m’avoir envoyé plusieurs photos pour la promotion de son dernier roman « Je te laisse choisir celles où tu me trouves la plus jolie… ». Non seulement sa phrase m’avait ravi mais, à son image, elle était d’une fraicheur exceptionnelle et me prouvait que tant qu’on a le besoin viscéral de plaire et de séduire ont reste jeune.
Plaire ! Si la beauté n’est pas éternelle le charme oui !...
Je côtoie à longueur d’années des artistes et des « monsieur et madame tout le monde » de 70 ans et plus, même beaucoup plus, qui en paraissent 15 de moins et quand bien même ils ne les paraitraient pas... Je peux facilement comparer l’évolution parce que depuis mon plus jeune âge et tout au long de ma vie j’ai toujours fréquenté ceux que je nommais respectueusement : « Les anciens ». Ils m’ont tout appris. Je savais les écouter. Je dirais même mieux je me régalais à les écouter. Alors quand il m’arrive de prendre la relève et de rendre ce qu’on m’a donné à des plus jeunes avides de savoir je ne suis jamais avare de conseils et même assez fier d’être devenu pour eux : Un Ancien. Alors si c’est ça vieillir ; ça me convient assez bien.
Quand sent-on qu’on vieillit ? Chacun a sa réponse. Ça va de la première ride profonde aux premiers revers amoureux, de la première difficulté physique aux premiers sentiments de ne plus être en phase avec d’autres générations à des dizaines de situations différentes et propres à chacun.
J’ai du mal à répondre personnellement à cette question. Dans l’intimité, tout semble encore fonctionner. Dès les premiers symptômes de déficience je penserai à vous prévenir.
Plus sérieusement, Je fais partie de cette catégorie de gens qui par les tourments de la vie sont directement passés de l’enfance à l’âge adulte. Et à part musculairement et encore pour des raisons accidentelles, je n’ai pas encore vraiment senti le vent tourner…
J’avais 17 ans lorsque j’ai rencontré et côtoyé durant quelques mois pour la première fois Serge Lama. Il en avait trente. Alors que trente ans ce n’est rien je le regardais, sans parler de sa présence et de son talent, comme un homme d’âge très mur. Et s’il ressemblait déjà à Bonaparte il ne se prenait pas encore pour Napoléon. (Référence à la comédie musicale qu’il écrira plus tard) Et un soir où nous dinions ensemble à la Casserole le restaurant du Don Camilo et qu’entre deux cuillères de soupe il lisait gentiment et très attentivement quelques-uns de mes textes il m’a dit :
- On nait avec un âge et l’on vieillit avec … sans en bouger ! Il y a des gens qui ont quarante ans toute leur vie et des jeunes qui sont vieux très jeune et qui le resteront…
Curieux j’osais l’interroger sur l’âge qu’il me donnait et il m’avait répondu :
- 35ans et pourtant je sais que tu en as 17… Mais non, il y a longtemps que tu n’en as plus dix-sept …
Et puis en baissant les yeux vers son potage et sur un ton presque murmuré il rajouta :
- Je me demande même si tu n’as jamais eu dix-sept ans…
Il avait mille fois raison. Il avait tellement raison qu’aujourd’hui si ce n’était les miroirs et d’anciennes photos qui me rappellent à l’ordre, je me sens l’âme d’un homme de quarante ans. L’âme seulement.
C’est cette différence entre les chiffres au compteur et l’âge dans notre tête qui parfois nous perturbe.
Je pourrais m’étendre sur ce sujet encore et encore mais je m’applique à vous rédiger une chronique ni une thèse ni un roman. Alors en conclusion je dirais que si pour quelques-uns la simple idée de vieillir est un calvaire pour d’autres, conscients qu’ils ont eu la chance de passer entre les mailles du filet pour en arriver là, qui savent sourire à la vie sans compter ; vieillir c’est souvent donner plus qu’on a reçu. C’est simplement rester jeune plus longtemps. Et surtout : Savoir compter les soleils qui se lèvent et pas ceux qui se couchent... Alors, un conseil ; profitez-en le plus longtemps possible.
Ainsi va la vie…
(A suivre…)
Williams Franceschi
Quelques visages d'amis et lecteurs... Christian... Clo... Catherine... Jack & Sophie... Evelyne... Marie-France... Mark... Nathalie... Mylène... Anita... Julia... Isabelle... Liliana... Jane... Michel... Mylène... Olivier... Véronique... Sophie...
A découvrir aussi
- Ainsi va la vie… épisode n°62… QUESTION de TEMPS
- Ainsi Va la Vie… épisode n°89 « Le taulier »
- Ainsi Va la Vie…épisode n°104… J’ai un truc à vous dire…« DOUTES & HESITATIONS »
Inscrivez-vous au site
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 196 autres membres