Ainsi Va la Vie... épisode n°296 ...LA CROISÉE DES DESTINS
Elle pensait à voix haute dans sa tête, comme si elle lui parlait, comme si elle lui écrivait :
J’ai des morceaux de toi qui reviennent en permanence. Des morceaux de toi qui ne hantent pas que ma mémoire.
Quand je m’assois à la terrasse d’un café j’espère, seule dans ma bulle de vide au milieu de cette vie qui grouille, j’espère. J’espère et je rêve. Je rêve que tu vas passer par là, sur le même trottoir, puis t’approcher jusqu’à frôler ma table. Et en tournant la tête, tout surpris, tu vas me découvrir. Me découvrir comme si quelque chose de magique dans son champ magnétique, t’avait attiré dans cette rue, sur ce trottoir, dans ce café que tu ne fréquentais pas. Et puis ton visage s’éclairera de ce sourire, cet incroyable sourire dont on ne cesse de parler et qui n’appartient qu’à toi…
Je rêve et j’imagine, comme si je vivais la scène, que tu me confirmeras d’un mot gentil, entre confusion et plaisir, tout ce que j’aurais déjà su lire dans tes yeux, dans ton sourire, dans tes doigts qui se cachent derrière le lobe de ton oreille ou que tu pointes sur le fil de ta lèvre supérieure.
Et puis, comme si tu avais besoin de t’excuser, en regardant ta montre, tu bafouilleras sans grandes convictions, que tu es pressé. Alors, comme si les aiguilles complices t’accordaient un sursis, tu me proposeras de t’assoir juste le temps d’un café, juste le temps que je te vole un sourire, le velours de ta voix, la profondeur de tes regards, et au bout de l’impossible ; l’espoir que peut-être...
Mais non, elle rêve. Ce matin elle s’est d’abord péniblement trainée en pantoufles et dans ce pyjama informe de la chambre à la cuisine avant de s’accrocher d’une main molle au dormant de la porte de la salle de bain pour réfléchir, ou se donner le courage d’avancer, de se bouger, d'en sortir.
Et comme si en franchissant cette porte elle entrait dans un autre univers elle a cherché a devenir une autre. D’abord elle a fait sa toilette avec vigueur pour se donner un coup de fouet avant de redécouvrir la sensation que l’eau chaude de la douche, tout en caresses, la débarrassait des couches de regrets, et de chagrin qui l’oppressaient. Poursuivant son élan libérateur, elle s’est apprêtée plus que de coutume rajoutant un fin trait de crayon discret mais visible sur le contour de son rouge à lèvres, du rimmel à son rimmel pour allonger plus encore la courbe de ses cils avant de choisir une robe qu’il aimait, de jouer avec le volume de ses cheveux, et entre deux, elle s’est souri dans le miroir comme si elle lui souriait.
Et le petit chat gris, qui n’appartient à personne mais se sent chez lui partout, alangui sur l’appui de la fenêtre, de l’extérieur, à travers le carreau, semblait l’observer d’un air triste. Elle lui a lancé un coucou du bout des doigts, il lui a répondu d’un mouvement des oreilles comme s’il comprenait tout, approuvait et l’incitait à poursuivre
Le temps passe vite. Elle est sortie du rêve. Elle est maintenant vraiment assise derrière sa table à la terrasse du café. Les minutes s’égrainent. Elle est et reste seule lovée dans la musique brumeuse de ce café. Et pour s’isoler plus encore, elle s’est clipsée aux oreilles les écouteurs de son portable et a lancé au hasard une playlist. Au hasard… Sauf que la première chanson c’est Whitney Houston « I will always love you » « Je t’aimerai toujours » en français, thème du film "Bodyguard". Cette chanson qu’elle connait presque par cœur l’émeut encore et peut-être à cet instant plus que jamais.
Ce ne sont pas les images du film qui lui reviennent sur l’écran de sa mémoire, mais son corps blotti contre le sien, au chaud du creux de son épaule ou contre sa poitrine. Elle s’y sentait si bien. Si bien protégée. Surprotégée parfois. Et aujourd’hui elle regrette. Elle regrette de s’en être plaint tant ses bras, cette présence, ce bien-être dans sa sécurité lui manque. Il n’avait rien de Kevin Costner ou si peu, mais tellement tout d’un bodyguard. Tout paraissait tellement normal, simple, naturel, qu’elle ne percevait pas l’exceptionnel de la chose.
Il est tard semble-t-elle se dire en grimaçant. Elle rassemble ses affaires, règle son café et s’apprête à partir. Debout, elle hésite, elle espère. Elle espère encore que… Mais non, il ne passera ni aujourd’hui, ni demain, ni plus tard.
Elle sait tous des affres de l’amour. Toutes les douleurs des plus lourdes au plus infimes. Elle sait pour les avoir déjà vécu. Et elle sait qu’un jour, même si l’amour subsiste, plus d’un côté que de l’autre, il faut savoir se faire discret, s’éloigner, sortir sur la pointe des pieds, tout doucement, sans faire de bruits, jusqu’à s’effacer, disparaitre dans les brume d’un doux mirage. Elle le sait, mais elle n’est pas encore prête. Pas prête surtout à assumer ce qu’elle ressent comme une défaite.
C’était si fort, si intense. Il restera toujours quelques traces à fleur du grain de cette feuille blanche sur laquelle elle aurait voulu graver des mots à jamais et sur laquelle elle ne laissera que l’ébauche, juste l’ébauche, d’un joli dessin inachevé. Un dessin aux courbes tendues dans un geste vif et précis et d’autres tout en doutes et en hésitations. Un dessin au crayon même pas au fusain. Un superbe dessin d’Amour. Mais un dessin aussi, tout en transparences.
Ce dessin racontait une histoire. Une histoire simple, douce, pure et presque banale. Une histoire qui n’aura que l’importance que chaque cœur voudra bien lui donner.
De ces périodes, il ne restera à la vue des autres, que quelques traces du carbone de la mine de ce crayon dont aucune gomme ne viendra à bout. Aucune gomme.
La chanson qui suivit dans ses écouteurs semblait avoir été écrite par elle. Elle disait : Tu n’as pas quitté mon cœur….
Ce qu’elle ignorait, en se perdant dans la foule, c’est qu’elle non plus n’avait pas quitté le sien. Lui, seul devant sa tasse en regardant les gens passer derrière la vitre d’un autre café à des kilomètres… pensait à elle.
Il pensait et il pense souvent à elle. Mais son cœur, après des mois d’errance, a croisé au loin, mais déjà si proche, un nouveau port d’attache. Une nouvelle raison de vivre. Il ne l’a pas cherché. Il n’y croit d’ailleurs pas vraiment. Mais quelque chose depuis peu, lui a redonné le sourire. Et la lumière d’un soleil levant fait pétiller ses yeux
Ainsi va la Vie….
Williams Franceschi
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