Ainsi Va la Vie… épisode n°177 " Vincent le brocanteur et sa mysterieuse cliente"
– Tu nous as mis la suite de Vincent le brocanteur et sa mystérieuse cliente ?
– Oui ! Mais comme la mémoire est toujours fragile, plutôt que de faire un rappel en résumé de la première partie je l’ai republiée, en italique..
– Meuh ! D’accord !
– Ceux qui s’en souviennent vont directement où le texte est écrit normalement et ceux qui ne l'ont pas lu ou l'ont oublié …
– Peuvent lire ou relire le début
– Merci ma petite fée ! Sans toi…
–Merci de le reconnaitre!
Le cd de l’autoradio déversait langoureusement à travers la voix d’Eddy Mitchell la nostalgie d’une Amérique révolue qui avait fait rêver plusieurs générations éprises de liberté. Filtrés à travers son parebrise, Elvis, James Dean, Maryline et tant d’autres marquaient de leurs images un fond de ciel bleu azur tandis que dans son imaginaire, la route de campagne bordée de vignes et de champs de maïs avait pris les couleurs et l’apparence de la Route 66. Une route mythique qui se perdait en ligne droite à travers un désert aride, vers un horizon de montagnes rocheuses et non pas comme la sienne vers des collines verdoyantes.
Peu à peu, cette fille aux yeux menthe à l’eau maquillée comme une star de ciné, réveilla des émotions et ses impossibles envies d’intervenir qui le mirent mal à l’aise. Il écoutait l’histoire sombre que retraçait cette chanson et le film noir déroulait ses images.
La route de Vincent le brocanteur ne l’entrainait pas vers un ranch perdu ou un motel multiservices bordé de cactus, mais vers une très belle villa néo rustique de la fin du XIXème, au cœur d’une imposante propriété pour estimer et acheter un lot de meubles et d’objets hétéroclites.
Voyage dans le temps. Victor allait devoir quitter l’ambiance Rock and roll des années 50/60 pour celle plus tarabiscotée et moins cool de Napoléon III, Louis XV ou Henri II qu’il surnommait Henri Hideux tant ces meubles hyper travaillés, qu’on trouvait dans presque toutes les familles, finissaient par lui donner la nausée.
Le rendez-vous avait été pris la veille par téléphone et d’après les descriptions de la propriétaire, il se faisait déjà une petite idée de ce qu’il découvrirait sans grande surprise. Il essayerait juste de ne pas trop la décevoir, sachant que tous les vendeurs, à quelques rares exceptions près, sont généralement convaincus de procéder une véritable fortune dès lors que les objets et les meubles, dont ils veulent se défaire, le plus souvent à contrecœur pour des raisons de place, aient appartenus à une grand-mère, un arrière-grand-père ou pire ; à leurs parents directs. Mais comme à chaque fois, il espérait qu’elle y trouverait son compte et lui son bonheur.
Après les présentations d’usage, via l’interphone, les larges battants en ailes de papillon du lourd portail en fer forgé, gémirent de douleur sous le poids du temps, en s’ouvrant lentement. Très lentement, dans un mouvement presque flegmatique, posé, limite désabusé, comme fatigués et las, d’effectuer toujours le même geste tel une révérence devant et derrière les pénétrants qui le franchissent depuis une éternité. Et pour l’instant face au gardien du temple agressif et bruyant ; où quand un Yorkshire veut jouer les Dobermans.
Vincent, amoureux des chiens, eu beaucoup plus peur d'écraser le mini cerbère en manœuvrant son fourgon, que de se faire mordre par le monstre de service qui se calma dès les premières caresses.
Avant d’atteindre la porte d’entrée où la maîtresse de maison l’attendait debout sur le perron la silhouette traversée par la lumière chamarrée de la pergola, l’homme et le fauve étaient instantanément devenus les meilleurs amis du monde.
Le tour d’horizon aurait pu s’effectuer très rapidement si les meubles et les objets pressentis à la vente n’avaient été répartis dans plusieurs pièces de la maison, ce qui l’obligea à une visite impromptue et presque totale de l’habitation qu’il commença, en la suivant à la trace et avant d’y revenir, par la cuisine où elle logeait une collection de moulins à poivre dont elle voulait se défaire. Vincent en déduisit que cette collection n’avait pas dû être réuni par sa jolie propriétaire tant elle y accordait peu d’intérêt et surtout, n’en n’effleurait pas leur histoire.
18h30 et pourtant la table était mise. Etrange de mettre le couvert aussi tôt. Tout en découvrant l’aspect parfaitement clean de cette cuisine qui ne souffrait d’aucune odeur de cuisson, le regard de Vincent buta sur trois assiettes, trois verres et une carafe d’eau vide.
– J’espère que nous n’en aurons pas pour très longtemps parce que mon fils et mon mari ne devraient pas tarder lui lança-t-elle en consultant les aiguilles d’une pendule des années 60 qui n’avait pas échappée à Vincent.
– J’espère aussi ! lui répondit-il dans un sourire compatissant et amusé.
– J’ai un tableau à vous montrer au salon coupa-t-elle comme si elle venait de s’en souvenir par miracle, alors qu’il était certainement la seule pièce de valeur qui avait suscité son besoin de faire déplacer Vincent. Il feint de la croire. Il jouait le jeu sans être dupe. Et aussi quelques meubles dans les chambres rajouta-t-elle comme s’il lui importait peu de s’en défaire.
Pendant qu’il auscultait son tableau sous tous les angles et qu’elle le nourrissait d’une histoire improbable sur ce peintre nantais à laquelle il fit semblant d’adhérer par politesse et pour ne pas la froisser, il trouva qu’Angélique, c’était le prénom gravé sur son bracelet, dans son style BCBG relax avait beaucoup de charme et son mari imaginaire beaucoup de chance.
Il trouva aussi qu’elle avait raison de se méfier d’un inconnu comme lui malgré le mini Doberman de poche pour contenir toute agression et le lourd portail fatigué et infranchissable qu’il suffisait de bousculer d’un coup de pied pour l’ouvrir, qui la préservait en apparence de tous envahisseurs. Trois assiettes qui prévenaient qu’elle ne vivait pas seule et qu’il serait fou de tenter quoi que ce soit sur sa personne sans risquer le courroux de défenseurs musclés dont l’arrivée était imminente.
Vincent fut atteint par un sourire doux et nerveux qui ne quitta plus sa bouche en s’évoquant tous ces garde-fous et en pensant que si 18h30 est une heure possible pour mettre le couvert, car c’est bien là qu’elle devait déjeuner le plus souvent, il manquait une chaise. Et qu’à la vue de l’exiguïté de cette jolie, mais minuscule cuisine, il était bien difficile d’y loger trois personnes. Qu’il n’avait croisé aucune photo sur les murs, ni même dans les chambres d’un quelconque ami, amant, mari ou amoureux sinon quelques-unes d’un enfant qui aurait très bien pu être son fils, mais dont l’âge n’excédait pas six ans. Vincent se dit qu’il n’était pas utile d’avoir les facultés de Sherlock Homes pour flairer tous ces leurres maladroitement disséminés. Sa déduction le fit à nouveau sourire mais intérieurement. Il comprenait. Il comprenait qu’une femme seule ne soit jamais trop méfiante. Il comprenait mais s’étonnait néanmoins. Elle avait pris un rendez-vous avec un commerçant connu ayant pignon sur rue. Il y avait des traces et des témoins de ce rendez-vous un peu partout et les risques que Vincent l’agresse d’une quelconque manière tenait d’un scénario de science-fiction. Mais bon, dans le doute ; il comprenait.
Apres plus d’une demi-heure de visite, vint l’instant fatidique de l’estimation en gros et en détail. La dame lui ayant avoué avec conviction qu’elle n’avait aucune notion de prix et comptait sur son savoir. Mais à sa moue, ou au haussement de ses sourcils en toute discrétion lorsqu’au hasard d’un objet il avait lancé une première approche, Vincent savait qu’elle savait. Qu’elle savait ce qu’elle en voulait plus que ce que ça valait. Mais elle savait.
La pression et la méfiance de cette jolie femme l’irrita quelque peu. Que lui annoncer sans qu’elle pense, dans son infini scepticisme, que l’offre serait trop basse ? Et comment lui dire, sans rien dévaloriser, qu’en plus il n’était pas intéressé, outre mesure, par ce qu’elle imaginait être des merveilles.
Vincent retourna observer le tableau, sortit de son vieux cartable en cuir d’écolier qui lui servait de sacoche le Bénézit qui est avec l’Akoun, la bible des côtes des peintres, dans lequel Chabot était évidemment référencé.
Il mesura la toile et lui donna sa valeur approximative en lui précisant qu’il ne pouvait pas lui offrir le montant qu’il venait d’évoquer faute de quoi il travaillerait pour la gloire et que ce n’était pas vraiment sa vocation. Quant au reste, après une longue hésitation, il lui préconisa de passer par un dépôt-vente car rien, même si la qualité n’était pas à remettre en cause, rien ne l’intéressait vraiment.
Et en ce qui concernait la collection de moulins à poivre elle lui donnait une valeur affective. Et que, quel que soit son offre, elle la trouverait la encore trop basse. Auquel cas il serait préférable qu’elle les garde.
Plus surprise que déçue, elle le fixa dubitative. Un court instant dans ce silence qui les entourait comme un blanc au téléphone que personne n’ose remplir, Vincent pensa qu’elle ne pensait plus à rien sinon qu’il avait de beaux yeux et qu’il aurait pu lui renvoyer le compliment.
– Vous ne craignez pas trop de vivre seule dans une si grande maison ? Elle ne répondit pas mais son sourire gêné parlait pour elle. En plus de votre alarme vous devriez faire installer des caméras reliées à une centrale de surveillance. Vous vous sentiriez moins…
– J’y ai pensé lui répondit-elle comme si pour la première fois elle baissait une garde inutile et s’en rendait compte.
– Repensez-y. C’est sécurisant. Sur ses mots et un sourire qui n’avait rien de commercial, qu’elle lui renvoya comme un miroir, il lui tendit sa carte de visite, sachant qu’elle la possédait déjà, en lui précisant :
– Pour le tableau réfléchissez. Et si vous vous décidez passez au magasin nous en reparlerons.
Avant même qu’il n’est franchi le seuil de la porte, le petit chien le suivit au pas et continua à le suivre à la trace, s’accrochant même désespérément à la jambe de son jean dès qu’il arrêtait de marcher pour entamer une danse sautillante sur ses deux pattes arrières qui semblait le supplier de rester. Il le caressa vigoureusement, puis pénétra presque à regret, dans son fourgon sous l’œil attendri de sa maitresse qui les observait à l’abri des voilages de sa fenêtre.
S’il sentit plus qu’il ne le devina ce regard, sans rien en laisser paraitre il s’installa devant son volant, chaussa ses lunettes de soleil et tourna la clé de contact qui simultanément au démarrage du moteur relança le cd dans l’autoradio libérant à nouveau la voix d’Eddy Mitchell. Sauf que l’émotion suscitée précédemment par la fille aux yeux menthe à l’eau avait disparue au profit d’une femme aux yeux noisette tout aussi attachante. Et sur l’écran de son parebrise ne se projetait plus l’image des géants du cinéma et de la musique des années 50/60. Si un court instant il songea à la toile de Chabot et à l’éventuel acheteur qu’il possédait de mémoire parmi ses clients, cette pensée s’étiola très vite.
Et au long de sa route, qui n’avait pas repris les couleurs de la mythique 66, il réentendit une voix murmurée chaude et veloutée et les propos tout en réserve qu’elle égrainait avec crainte et retenue tout en laissant transpirer l’espoir d’une vente même toute petite, même minuscule. Juste une rentrée d’argent.
Peut-être se trompait-il ? Peut-être dramatisait-il la situation ? Peut-être ?... Mais par habitude ou par instinct il savait que ses « peut-être » dont il ponctuait ses déductions, se substituaient inconsciemment à des : « Je suis sûr que... ».
Non. Elle ne vendait pas ses meubles et ses objets par manque de place ou par envie de changement mais par besoin. Simplement par besoin. Et au-delà des murs artificiels qu’elle élevait autour d’elle pour se protéger, sur d’autres plans elle était dans une position fragile, délicate et compliquée qui la rendait vulnérable. Et n’importe qui à sa place aurait pu en profiter. Et ça, il était certain qu’elle n’en était pas consciente.
C’est fou tout ce qui peut se passer et s’installer dans nos têtes alors qu’on conduit comme un robot programmé pour rester vigilant. Tout ce qu’on mouline alors qu’on pilote un engin qui nous emmène où nous voulons aller tout en pensant à autre chose. C’est l’inconscient qui nous guide diront les experts et cet inconscient, occupé à conduire, libère notre esprit pour songer à autre chose.
Tout en dissertant sur son inconscient et en conduisant son fourgon, Vincent gardait en réserve dans un coin secret de son cerveau l’image de cette Angélique, qui n’était certainement pas marquise des anges, mais l’entrainait pourtant sur un nuage tout en s’interrogeant sur la réalité de la vie de cette femme. La misère peut s’immiscer là où on ne l’attend pas et se dissimuler sous des apparences trompeuses.
Au bout d’une longue ligne droite où les arbres et les poteaux avaient défilé en saccades dans la limite de son champ de vision, il ralentit et se gara sur le bas-côté. Après une minuscule hésitation il ouvrit son vieux cartable et en sorti son portable, qui, comme son fourgon, datait d’un autre siècle mais fonctionnait toujours, tout au moins pour ce pourquoi il avait été fabriqué dans sa fonction première ; c’est-à-dire téléphoner. Il ouvrit son carnet de rendez-vous y retrouva le numéro d’Angélique et s’apprêtait à méthodiquement le composer quand ; ho surprise! il sonna dans ses mains.
– Re-bonsoir. Pardonnez-moi si je vous dérange. Vous êtes peut-être encore sur la route, mais pour le tableau j’ai réfléchi !
– Vous ne me dérangez pas. Mais comme vous le dites si justement, je suis sur la route et je suis obligé de poursuivre parce c’est moi ce soir qui fait la fermeture de la boutique.
– Je suis désolée.
– Ne le soyez pas. Je pourrais vous donner rendez-vous pour demain. Mais je serai loin et je vais rentrer tard. Très tard.
– Ha !
– Rejoignez-moi au magasin. Je ferme à huit heures. Mais je vous attendrais. Elle ne prit pas le temps de réfléchir à sa proposition avant de lui concéder un :
– D’accord ! Ok d’accord ! » Qui ne souffrait d’aucune hésitation.
Après avoir garé son fourgon, l’esprit toujours ailleurs, Vincent rentra à l’intérieur de la boutique les quelques meubles exposés sur le trottoir devant sa vitrine, fit un point succinct de l’après-midi avec sa vendeuse avant de lui souhaiter une bonne soirée et de s’assoir, ou plutôt de se laisser tomber, dans le vieux, mais encore confortable, fauteuil derrière son bureau qui dominait la première salle d’exposition. Là, seul face à son univers, il poussa un long soupir. Un soupir qui résumait en un seul long souffle ; combien cette journée débutée à 5h avait été longue. Riche mais longue. Et alors qu’il allait s’assoupir, Le driling driling de la porte d’entrée lui annonça un visiteur. Non ce n’était pas l’Angélique du tableau mais Jean le patron du restaurant d’en face ou presque.
– T’as vu l’heure ? T’es toujours ouvert ?
– J’attends une cliente... Ha ! Au fait ! C’est quoi le menu du jour ?
– Le menu du jour, c’est le midi mon cher ami. Le soir c’est…
– Alors c’était quoi ?
– Daube à la provençale..
– Il en reste ?
– Evidement qu’il en reste. Et même s’il n’en restait pas on t’en trouverait.
– Alors à tout à l’heure.
La nuit qu’il observait à travers sa vitrine avait recouvert depuis un bon moment déjà la rue de son voile sombre, contre lesquels la lumière flémarde des quelques réverbères ne faisait pas le poids. Quand il jeta un œil vers l’une des pendules posée sur une commode, comme télécommandée par l’influence de son regard, elle se mit à sonner 8h. A peine les cloches, terminèrent-elles leur appel à la ponctualité, que son téléphone prit le relais et sonna.
– Allo !
– Oui !
– Vous m’attendez toujours ?
– Ben oui pourquoi ?
– Je suis en panne sur la route et je…
– En panne de quoi ?
– D’essence !
– D’essence ou de gasoil ?
– De gasoil vous avez raison.
– Et vous êtes où ?
– Sur la route pour venir chez vous. A dix minutes de chez moi donc à dix minutes de chez vous.
– Mettez vos Warning.
– Ah oui, les warning.
– J’arrive. A la hâte Vincent éteignit son magasin, tira le rideau métallique et la rejoignit en moins des dix minutes prévues. Sans qu’ils aient eu besoin de de se concerter puisqu’elle était encore assise face à son volant, il sortit un jerrican de derrière son siège, lui remplit le réservoir des 5 litres de gasoil qu’il gardait toujours par sécurité dans son camion et après quelques difficultés de réamorçage, le moteur toussota avant de ronronner son bonheur de revivre. Angélique, sous le masque de la confusion lui adressa un sourire ravi. Ravi mais gêné.
Sachant qu’elle allait entrer dans une succession d’excuses et de remerciements il ne lui laissa pas le temps de s’exprimer.
– Bon ! Maintenant, vous me suivez ?
– Heu !... Oui !
Mais il adoucit son ordre d’obtempérer presque militaire, par un sourire et un clin d’œil complice. Elle le suivit jusqu’à son magasin où ils se garèrent presque simultanément et se retrouvèrent devant la grille fermée
– Bon ! Vous avez vu l’heure ?
– 8h30 ! Je vous oblige à réouvrir votre…
– Ha ! Non alors. J’ai pas d’autorisation pour faire nocturne.
–…..
– Vous avez faim ?
– Heu…
– Moi oui. Venez ? On va juste là. Tout en lui pointant du doigt le restaurant d’en face, il la devança d’un pas décidé qu’elle suivit sans prononcer un mot.
Pour les éloigner de l’ambiance chaleureuse mais bruyante, Jean le patron leur indiqua une table dans un coin discret qu’il leur avait réservée où ils s’installèrent.
A peine assit, Vincent s’excusa ; il devait se laver les mains. En passant près du comptoir Jean lui murmura en toute discrétion :
– C’est juste une cliente ?
– Oui ! Pourquoi ?
– Comme ça ?
– Dommage ! Ce dommage arrêta net la marche de Vincent qu’il reprit comme si de rien n’était. Et sur ces mots qui cherchaient dans l’humour et la curiosité à démailler toutes ambiguïtés, Vincent disparut.
A peine avait-il rejoint leur table qu’Angélique se rendit au même endroit mais y séjourna plus longtemps. Quand elle réapparut en bout de salle, allégée de son manteau qu’elle portait plié sur son avant-bras, Vincent vu ce qu’il avait vaguement remarqué sans trop s’y attarder sur le bord de la route. Elle s’était changée et là, elle avait pris soin de mettre de l’ordre à ses cheveux et de se remaquiller. Mais pas trop, juste ce qu’il fallait pour passer de jolie à séduisante….
Les yeux rasants le sol, dans son tailleur bleu-gris, agrémenté d’une écharpe en cachemire aux dominantes rouge nonchalamment jetée sur ses épaules, elle avançait droit vers lui d’un pas lent et croisé. Elle lui revoyait une image aux antipodes de la femme au gros pull en laine informe en tennis et jogging qui l’avait reçu quelques heures plus tôt.
En s’asseyant, elle le fixa droit dans les yeux sans ce démunir de se léger sourire sauf que son regard traduisait la question : "Alors surpris ?" À moins que ce fut : "Je vous plais ?" Mais alors qu’on pouvait supposer dans le regard de Vincent une réponse à une question non-formulée, Jean le patron un torchon sur l’épaule et un carnet de commande à la main interrompit involontairement la scène.
– Je vous sers comme prévu ?
Le « Comme prévu » précisa Vincent, qui était redescendu dans la réalité immédiate, c’est daube à la provençale avec des pattes. Mais pas des spaghettis, des coudes longs comme il se doit, pour qu’ils se gorgent de sauce.
– Heu !
– C’est un peu roboratif mais qu’est-ce que c’est bon. Angélique acquiesça. Mais avait-elle vraiment le choix ?
– Si vous suivez un régime…Nous dirons que c’est un écart.
– Crudités en entrée ... C’est bon ? interrogea Jean dont les yeux semblaient suivre une partie de Ping Pong entre Angélique et Vincent en attendant une réponse. Prise de court, Angélique se laissa porter par les choix de Vincent et l’ambiance chaleureuse.
– Ici c’est une cuisine familiale.
– J’imagine.
– Pas sûr que vous puissiez imaginer. Attendez d’avoir gouté ; ça dépasse l’entendement. Il faillit rajouter ; « Surtout quand on a faim » mais s’abstient de se complément qui ne se serait pas adressé qu’a lui.
En silence et avec élégance, elle ne laissa rien de la charcuterie qui remplissait, autour d’un œuf mimosa son assiette. Vincent en déduisit que la situation était plus grave qu’il ne l’imaginait et attendit que la fameuse daube et ses pates fut servie pour entamer une discussion.
– J’ai réfléchi murmura-t-il
– Ha ! Je croyais que c’était moi qui devais réfléchir ?
– En effet. Mais il s’agit de vos moulins à poivres.
– Ha !?
– Je vous en propose 300 euros. Surprise, agréablement surprise, elle en rougit.
– En dépôt ? lui retourna-t-elle un rien inquiète. En réponse Vincent extrait une enveloppe fermée mais pas scellée par son ruban de colle, de la poche intérieure de son blouson et la posa à la gauche de son assiette avant de la pousser doucement jusqu’à la faire disparaitre sous sa main longue et fine mais trop petite pour la recouvrir. Elle sourit, hésit à l’ouvrir, puis se contenta d’en écarter la fermeture pour découvrir la petite liasse de billets.
– Vous pouvez recompter.
– Non non, je vous fais confiance.
– Enfin ! lui souffla Vincent d’une voix presque inaudible mais qu’elle perçut. Il aurait pu rajouter ça vous dépannera toujours mais se contenta de le penser.
– Merci ! Merci beaucoup. Ses mercis explosaient d’une gratitude retenue qu’elle aurait aimé exprimer avec plus d’enthousiasme … Vous les payez sans les avoir ?
– Vous les apporterez au magasin quand vous pourrez.
– Demain ?
– Demain je ne serai pas là. Mais je téléphonerai à ma vendeuse.
– Vous voulez que je vous explique ?
– Non, pas ce soir. Ce soir, vous vous dites qu’il y a juste une petite lumière qui éclaire votre long tunnel noir et vous en profitez.
Elle chercha à le dissimuler mais l’envie de l’embrasser débordait de son sourire. Il le comprit. Il le comprit et ne voulait pas tout mélanger. Il ne voulait pas qu’elle s’imagine que son attitude puisse être chargée d’une arrière-pensée même si, elle ne le laissait pas indifférent.
Apres la tarte aux pommes, qu’il lui imposa presque et après quelques gestes incompréhensibles dans une langue des signes secrète, entre Vincent et jean, prétextant son lever aux aurores Vincent consulta sa montre et s’excusa de devoir l’abandonner. Provisoirement rajouta-t-il puisqu’ils se reverraient pour le tableau.
…………………………………………………………..
– Et après ?
– Hé! C'est déja tres long pour une chronique...Et après j’en ferais une nouvelle à lire dans l’Ainsi Va la Vie Tome II où..
– Où ?
– Où Peut-être un roman va savoir?
Ainsi Va la Vie…
Williams Franceschi
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