En quelques mots....DES BOULES DANS LA GORGE ET AU FOND DE LA CORBEILLE.
La pointe extra fine de son stylo feutre glisse presque seule sur le velours de la feuille blanche. Elle a mesuré, pesé, soupesé, le moindre verbe, le moindre adjectif, la moindre formulation… Cette lettre, elle voudrait la tailler comme un orfèvre. Qu'elle soit à la fois percutante et douce, courte mais profonde, qu’elle surprenne sans choquer. Faire mouche jusqu’à l’éblouir… ou simplement l’émouvoir, juste l’émouvoir. Le laisser croire à une pure improvisation vite fait et facile. Comme si ses phrases avaient jailli d’un premier jet, sans retouches, avec la plus grande spontanéité du monde. Mais si le dire c’est facile, l’écrire c'est une autre paire de manches.
Elle sent une boule dans sa gorge. Sur le bord de sa pommette, d’un geste réflexe, elle a stoppé une lourde larme d’un revers de main avant qu’elle ne tombe et ne tache l’encre de ses mots.
Non, elle ne pleure jamais. Jamais devant personne. Même avec le cœur lourd, elle garde tout à l’intérieur. A quoi bon s’épancher ? Et puis sur quelle épaule ? Qui pourrait la comprendre ? D’ailleurs cette lettre, qu’elle ne cesse de recommencer, va finir comme les autres, en boule au fond de la corbeille avant, peut-être, qu’elle ne la déplie, pour la relire en diagonale, avant de la lire comme si elle la découvrait. Et puis la boule, redeviendra boule, et sa course après un vol de pingpong, finira comme les autres… dans la corbeille.
Elle essayera peut-être, toute à l’heure, sur l’écran de son ordinateur. Elle essayera et puis d’un clic, elle effacera tout.
Triste ? Non elle n’est même pas triste, elle est bien plus que ça. En se relisant il y a quelques minutes elle a même souri. Souri pour se moquer d’elle-même. Pendant quelques secondes elle avait inversé les rôles en se demandant comment elle réagirait si elle recevait une telle lettre ? Et elle a conclu, dans une grimace et presque à haute voix : « Stupide ! Complètement stupide ».
Elle voudrait s’expliquer, se justifier et surement plus mais ses mots, sans dépasser ses pensées, ne les reflètent pas avec la justesse qu’elle espèrerait. Les mots, les mots elles n’a pas les mots alors elle lève les yeux, serre les poings, en évitant de frapper son bureau pour se calmer. Elle jette sa boule dans la corbeille, et retourne à la case départ. Mais la case départ sans passer par la prison comme au Monopoli. Car au fond la prison elle y séjourne souvent, trop souvent, avec même pas un moineau ou une souris pour partager sa détresse.
Maintenant, les yeux fixés vers le ciel, puis vers le téléphone qui ne sonnera pas, elle s’enfonce dans le silence. Un silence qui la cloitre tant ses murs sont épais. Un silence en forteresse infranchissable et protectrice mais aussi, château de verre d’où elle sent tout, voit tout, mais n’exprime plus rien.
Il y a des silences qui apaisent et d’autres qui étouffent elle ne sait plus vraiment lequel elle vit ou lequel elle subit.
Et puis surprise ou catastrophe, le téléphone sonne. Ce maudit téléphone ou ce téléphone béni des dieux ?
Là, il est plutôt béni de dieux. Elle ne l’attendait plus. Elle en pleure. Elle en pleure sans bruit sans rien laisser transpirer de l’émotion qui la traverse.
Elle n’aura pas besoin de terminer sa lettre. Il y a toujours un soleil qui se lève après la nuit et des vents chauds pour adoucir les douleurs et cicatriser les blessures.
C’est la vie. La vie nous prouve que rien n’est jamais définitif. Que tout n’est pas enfer ou paradis et qu’il faut savoir affronter le pire pour savourer le meilleur.
Williams Franceschi
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