Ainsi Va la Vie... épisode n°172 ELLE et LUI
Trois ans d’absence, trois ans d’abstinence. Ils s’étaient pourtant quittés fâchés en apparence. Mais en silence chacun espérait que rien ne serait définitif. Et même s’ils s’étaient jurés le contraire dans leur besoin de liberté, ils ne succombèrent à aucune tentation.
Cliché classique de gens qui se repoussent, se rejettent, jouent du déni d’amour et ne peuvent pourtant se passer l’un de l’autre.
Au début, comme si pour partir du bon pied il fallait faire table rase du passé, ils avaient posé une croix sur ce qui fut, n’évoquant que les instants négatifs pour ne rien regretter, occultant ainsi les périodes de bonheur comme si elles n’avaient été que futiles. Maintenant le pire était derrière et le présent comme l’avenir s’éclairerait différemment. Ils allaient, chacun de leur côté et sans se concerter explorer une nouvelle vie. Une vie où ils seraient libres. Libre de voir et d’essayer les choses autrement. Libre ! Et ce fut le cas
Libre d’exister et de se réaliser seul sans avoir de comptes à rendre à personne. Sans se sentir obligé de sécuriser le moindre choix à grands coups d’avis et d’opinions. Libre ! Libre aussi, peut-être de rencontrer quelqu'un d’autre. Quelqu’un de différent quelqu’un de…
Pour lui, d’après elle, tout paraissait simple. Il avait été sollicité avant, pendant et il le serait certainement après ; elle n’en doutait pas.
Pour elle, son besoin de vivre seule et sans contraintes s’était révélé vital. Elle étouffait. Il fallait qu’elle respire. C’est du moins ce qu’elle imaginait.
Ils avaient voulu être libres ; désormais ils l’étaient.
Elle se délesta très vite de l’ombre de cet autre, qui au début, malgré la distance qui les séparait, semblait la suivre comme la sienne à s’y confondre.
Et lui contrairement à ce qu’elle aurait pu croire, ne donna jamais l’impression de se moquer de cette rupture comme de sa première chemise, bien au contraire. Au fond se disait-il, elle est bien plus forte que moi. Elle qui donnait l’impression de ne jamais pouvoir se passer de lui. Lui toujours bienveillant, présent, prêt à tout dès qu’il sentait le moindre problème, la moindre difficulté, la moindre détresse et qui évitait de soulever la réciproque le concernant pour ne pas l’inquiéter. Elle, au mépris de tout ça, se disait qu’elle pouvait s’en passer. Elle ferait autrement, différemment. Avant lui elle s’était toujours dépatouillée toute seule après lui elle se débrouillerait encore. Sa vie ne s’arrêtait pas à la présence d’un homme. Oui il avait raison en apparence elle était bien plus forte que lui.
Mais peu à peu, malgré cette force qui ne présentait aucunes failles, certaines heures lui parurent plus longues et plus vides que d’autres. Peu à peu son enfermement dans ce nouvel appartement où elle disait se sentir si bien n’eut que des murs pour seul horizon et les heures à tourner en rond en robe de chambre ou en pyjama, à peaufiner un ménage qui ne souffrait d’aucun grain de poussière superflu se multiplièrent à l’infini. Les quelques séances de cinéma où elle s’adressa au siège vide à côté d’elle la vaccinèrent des salles obscures. Et par ricochet les cafés ou les restaurants ou elle n’alla plus sans être accompagnée par crainte de s’adresser à un fantôme sur la chaise vide ou de commander deux cafés par habitude et de lire dans le regard du personnel une interrogation sur sa santé mentale.
Elle, s’entretenait sans chercher à plaire. Juste le strict minimum pour ne pas ressembler à rien comme elle disait.
Et lui, s’il ne tournait pas en rond faisait les cent pas aux abords du téléphone qu’il espérait entendre sonner faute de s’autoriser à composer son numéro.
– Arrête! se disait-il d’une voix intérieure, tu vas finir par user le parquet. Mais ce risque surévalué qu’il se répétait quotidiennement ne l’empêchait pas de réitérer comme une procession sa danse indienne en prière à l’appel avant de capituler et de s’enfermer dans son bureau pour commencer une lettre, qui comme des dizaines d’autres, terminait en boule au fond de la corbeille avant d’être introduite dans une quelconque enveloppe.
Contrairement à elle, s’il s’autorisait encore quelques rares restaurants en solitaire il ne rentrait plus dans aucuns lieux qui leur avaient été familiers et évitait toutes discussions avec des amis communs. Et si au hasard d’une rencontre il s’y trouvait confronté il coupait vite court en prétextant un rendez-vous ou une obligation quelconque.
Dans cette solitude voulue, devenue pesante, il lui arrivait souvent, à l’abri de tout regard de pleurer. Pleurer seul sans que son orgueil en prenne un coup. Pleurer ni sur son sort ni sur son absence. Il pleurait comme si ces gouttes salées en roulant sur ses joues le libéraient d’un poids tout en l’enfonçant malgré lui plus profondément encore dans une certaine désespérance. Pleurer comme si la douleur pouvait se diluer dans le flot de l’eau des larmes.
Il faillit même se faire tatouer son prénom sur l’épaule. Un prénom noyé mais surexposé dans les volutes d’un lys sa fleur préférée. Il en esquissa même l’ébauche au crayon. Comme si par cette trace indélébile ne plus la savoir dans son cœur ne l’empêchait pas de l’avoir dans la peau au sens propre comme au figuré.
La liberté engendre la solitude et la solitude est loin d’être une amie n’en déplaise à Georges Moustaki qui la chantait si bien. Non la solitude c’est la pire des compagnes auraient-ils pu affirmer chacun de leur côté sans se concerter.
– Tu m’oublieras ! Tu verras tu m’oublieras lui avait-elle gentiment affirmé le dernier jour avant son départ. Elle lui avait jeté ce « tu m’oublieras » derrière un sourire attendri et forcé, mais jeté comme on claque une porte. Il aurait voulu lui répondre :
– Toi aussi, tu verras tu m’oublieras. Mais ces mots qu’il n’espérait pas ne franchirent jamais le seuil de sa bouche. Il espérait tellement que cette prédiction ne se réalise jamais qu’il garda le silence. Ces silences qui parlent si fort qu’il vaut mieux les écourter.
Ils s’étaient rencontrés en pleine cinquantaine avec chacun dans leur bagage un long et lourd vécu et
ils s’étaient séparés presque dix ans plus tard.
Ils n’étaient plus ni l’un ni l’autre dans la fleur de l’âge mais loin encore, et c’est ainsi qu’ils le vivaient, du cap où l’amour se transforme en tendresse, uniquement en tendresse.
Mais depuis trois ans, l’un sans l’autre ils se la jouaient besoin néant et libido morne plaine.
– Je n’y pense même pas mentait-elle à des copines curieuses de comparer, sans l’avouer, leurs situations à la sienne. Et pourtant, rajoutait-elle d’une moue friponne en laissant planer un doute qui laissait sous-entendre que si elle avait voulu ! Ce n’était pas totalement faux, mais ce n’était pas totalement vrai non plus. Elle affirmait que c’était son choix et celui de son corps. Et qu’au fond elle le vivait en parfait accord avec elle-même.
–Foutaise ! lui aurait-il lancé en aparté et en toute discrétion s’il avait pu être témoin invisible de ces mini déballages entre femmes.
De son côté les opportunités étaient réellement bien plus nombreuses. Mais soit il ne les remarquait pas, soit pire, ça ne l’atteignait pas.
Et puis un jour, le téléphone… alors que justement il avait décidé de ne plus user ses pantoufles dans sa danse de l’appel depuis plus d’une semaine, le téléphone sonna. Avant de décrocher il savait. Il savait que
c’était elle. Elle lui expliqua en quelques mots comme si la ligne allait prendre feu si elle ne se dépêchait pas, les raisons vraies ou fausses de sa présence dans les parages et l’occasion exceptionnelle de se revoir. Il s’attendait à ce qu’elle joue les vierges effarouchées et le mette en garde avec le sempiternel : C’est juste pour se voir, je n’aurais pas beaucoup de temps, ne va pas t’imaginer…
Et comme il ne s’imaginait plus rien et qu’elle le sentit elle lui évita l’inutile montagne de mises en garde, sur d’éventuels débordements, vieux comme le monde et usés jusqu’à la corde.
Ils avaient envie de se revoir et une envie l’un de l’autre qui aurait pu brûler la ligne et le combiné s’ils s’étaient laissés aller à avouer tout ce qu’ils ressentaient et que leurs corps plus chauds que jamais étaient loin d’ignorer.
La suite ? Si vous êtes sages la semaine prochaine. Ils ont attendus trois ans vous pouvez bien patienter une semaine Non ?
Ainsi Va la vie… et rendez-vous vendredi même heure même endroit.
Williams Franceschi.
Conseils de la semaine
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Le roman de Joëlle Vincent: La mort de Juliette un pur moment de plaisir.
L'Album d'Anaïs et Fabien Les yeux de l'Amour De la chanson française telle que je l'aime. Belles mélodies, jolis textes et superbes voix... (Sortie le 3 octobre)
La pièce: Si je peux me permettre de Robert Lamoureux avec Manuel Gélin, Olivier Lejeune et surtout Elisa SERVIER en tournée dans toute la France.
Le Roman de Catherine Grangeard et Daphnée Leportois La femme qui voit de l'autre coté du miroir. Une histoire qui parle du poids et que vous allez dévorer.
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