Ainsi va la vie… épisode n° 85… CHANGER d’AIR
Puisque vous me suivez depuis longtemps vous savez ! Ne revenons pas en arrière. Plusieurs amies m’ont dit, sans se concerter, remets-toi au travail ; écris !… Je crois qu’elles ont raison. Je ne sais pas si j’arriverais à faire preuve d’humour, cela me semble un peu tôt, mais depuis hier je me suis remis devant mon écritoire et mon écran.
Je voulais vous poster le dernier « Ainsi va la vie.. » Prévu juste avant le départ de mon père mais je n’ai pas pu. Je le publierai la semaine prochaine probablement. Je n’ai pas pu pour deux raisons ; d’abord parce que la première partie était clairsemée d’anecdotes vraies et chargées d’humour, j’avais envie de vous faire rire après plusieurs chroniques un peu trop sérieuses, et que la seconde partie; en cette période de fête des morts s’intitulait : « Aimons-nous vivants !.. En référence à la chanson de François Valérie. Je ne sais pas si c’était prémonitoire mais… Alors aujourd’hui pour se retour parlons d’autres choses.
Il y a quelques semaines je vous avais relaté en quelques lignes une escapade en bord de mer. Une escapade sans autre but que de décrocher quelques heures et de me vider la tête en changeant provisoirement de paysages. En écrivant ce texte, que je pensais sans intérêt majeur, directement sur ma page Facebook, je vous avais soumis l’idée d’en faire un jour ou l’autre le sujet d’une chronique. Et à ma grande surprise vous avez été 150 a liker ma bafouille, donc beaucoup plus à la lire. Alors puisque ce que je croyais sans intérêt semblait attiser votre curiosité et comme j’y suis retourné … je vais vous en dire un peu plus en me servant de la trame de ce que vous avez déjà lu ou pas… allez on y va ! On va
CHANGER d’AIR
Pour la seconde fois en moins d’un mois, mais pas pour les mêmes raisons, aujourd’hui j’ai fermé mon ordi, rangé mon stylo, occulté les bricoles qu’une maison réclame en permanence, j’ai même éteint mon portable pour qu’il m’oublie quelques heures et je suis parti me ressourcer. Juste une balade en bord de mer à Carro un petit port de pêche au bout de la côte bleue.
Le vent revigorant au début est peu à peu devenu cinglant. J’étais simplement venu regarder le ciel, les rochers, les vagues et ne penser à rien. A rien d’autre qu’à la beauté de la nature et des choses simples. C’est ça pour moi se ressourcer. A vrai dire je ne sais pas faire le vide absolu mais cet espace m’aide à ne pas réfléchir trop fort.
Simplement regarder la mer. Respirer cet air iodé chargé de sel et d’odeurs marines. Admirer la grâce et la force des véliplanchistes qui jouent avec les éléments. Prendre le temps d’observer ce bateau de pêche sans âge et son équipage qui accoste. Ces pêcheurs à la ligne. Cette famille au grand complet qui se promène…. Deux enfants fagotés comme s’ils allaient affronter les bourrasques du grand nord qui essaient de faire du vélo à contrevent. Cet homme seul qui marche et s’arrête mains dans les poches de son blouson et dont le regard oscille de la pointe de ses pieds aux lueurs du large. Plus loin cette femme qui s’est assise sur un rocher et regarde dans la même direction que l’homme que je viens de croiser. Deux êtres à cent mètres l’un de l’autre qui dégagent exactement la même solitude. Un couple qui marche enlacé. Elle se blotti sous son bras et contre sa poitrine. Il la couvre ou la protège du revers de sa veste. Il ne forme qu’un.
Cette escapade mérite-t-elle que j’en parle ?... Pourquoi Pas. C’est simplement une tranche de vie ordinaire que nous avons tous vécue un jour ou l’autre. Toutes les vies sont à la fois incomparables et tellement similaires.
Apres cette redécouverte d’un lieu que je connais par cœur mais qui me semble diffèrent à chaque visite, selon les saisons, le climat, mes humeurs ou mon état d’âme je suis allé marcher en bord de plage.
Sur l’un des rochers qui borde la hanse une amie comédienne à la scène et à l’écran, qui habite à deux pas, vient régulièrement y jouer les sirènes dans la vie. Une magnifique sirène qui ne craint pas l’eau froide ce qui n’est pas mon cas. Si vous passez par là, vous pouvez toujours essayez de lui donner la réplique en jouant les Ulysse, mais une sirène reste une sirène, méfiez-vous ! Elle pourrait vous naufrager. Ce matin pas de chance nous ne nous verrons pas je la savais en tournage.
Une autre amie aussi comédienne que j’apprécie beaucoup habite un nid d’aigle d’où elle surplombe la ville et la mer à perte de vue. Vais-je l’appeler ?... il y a des jours comme ça ou l’on a à la fois envie de communiquer et besoin de silence. Et puis, serais-je de bonne compagnie ?
Ce paradis est jalonné d’images, d’instants, de souvenirs qui ont rempli ma mémoires et mes albums photos, les vraies sur papier, que je consulte rarement. Aujourd’hui sans tourner les pages plastifiées et jaunies je me souviens. Premières plongées sous-marine, première chasse anecdotique ; je viens juste de sortir de l’eau encore empêtré dans ma combi et tout l’attirail qui en découle et un enfant accourt : « Monsieur ! Monsieur ! Au bout de la digue y’a des centaines de dorades… » Je n’y crois pas vraiment mais je renfile mon masque, mon tuba et mes palmes je plonge et je nage jusqu’à la passe on ne sait jamais… Et puis je ne veux pas décevoir le gamin.
Il avait raison. Des centaines de dorades. Je tire au hasard dans le banc et, heureusement qu’il y avait des témoins sinon vous pourriez penser que je galèje, au bout de ma flèche deux superbes poissons. Je me souviens encore des yeux ébahis d’un vieil homme sur la digue en me voyant sortir de l’eau mes deux dorades enfilées sur la flèche.
C’est depuis ces hauts fonds qui bordent la côte et glissent en quelques centaines de mètres vers des fonds vertigineux qu’à certaines heures du jour, des rais de soleil comme s’ils traversaient des vitraux s’éclairent en faisceaux depuis la surface vers des profondeurs abyssales et vous donne l’impression de nager ou plutôt de planer sous la voute d’une gigantesque cathédrale.
En observant la partie haute de la digue des images d’une autre digue dans le petit port du Mourillon à Toulon se superposent. Mon père s’adosse au phare, se concentre immobile les yeux braqués vers l’horizon. Il s’élève sur la pointe des pieds, s’y stabilise, pousse une impulsion et plonge. Je devrais dire qu’il vole. Superbe saut de l’ange. De l’écart des bras qu’il ouvre comme des ailes à la cambrure des reins jusqu’ à la pointe des pieds la ligne majestueuse devient sculpturale. Il vole dans cet espace entre l’eau et le ciel. Magnifique oiseau humain.
Le film sur l’écran de ma mémoire passe en super ralenti puis la vitesse normale reprend son cours dès que ses mains au bout de ses bras tendus ouvrent la surface de l’eau. Sa pénétration ne provoque presque pas d’éclaboussures. Dès qu’il remonte en surface et sort la tête des vagues, les enfants qui se contentent de plonger depuis la partie basse de la digue, l’applaudissent. Il leur surit et s’essuie le visage d’un revers de main. Le bleu de ses yeux illuminent son visage bronzé ou les gouttes ruisselantes rajoutent un plus hollywoodien a cette image déjà en cinémascope.
Un peu moqueur et pour me piquer au vif, de l’index il me montre le promontoire pour m’inciter à essayer, je ris. J’ai une dizaine d’année. C’est bien trop haut pour moi. En plus le franchissement de la digue basse qui fait bien 3 mètres de large me semble un obstacle infranchissable. Je n’ai pas peur je suis juste conscient du danger et de mes limites. Je relèverai le défi régulièrement mais quelques années plus tard en pensant à lui mais jamais devant lui. Connaissant le personnage il aurait été capable de me dire : "Et si j’essayais ? Pour voir si le vieux est encore en forme".
Les souvenirs ne se cristallisent pas. Je marche et je pense déjà à autre chose même si le visage de mon père en transparence ne me quitte pas.
La mer change de couleur, les vaguelettes font le dos rond avant de se creuser, puis de se déchirer entre elles pour finir par s’éclater sur les rochers. La base ourlée de l’immense robe bleue s’éclabousse en chapelets de dentelles blanches. Le vent a forci et les éléments se plient aux caprices d’Éole.
Cet air a fait son effet. Je sens que je vais bien dormir lové sous un monticule de souvenirs qui vont peupler mes rêves et me chauffer le coeur.
Ainsi va la vie
(A suivre…)
Williams Franceschi
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