Ainsi Va la vie… épisode n°106 " FLASHBACK" (R1)
(r1)Tout avait commencé, comme souvent, par une phrase qui tue ! Juste une affirmation sortie trop naturellement de la bouche d’une amie qui m’avait suivi dans ma chambre alors qu’elle n’avait rien à y faire. Y’en a comme ça qui vous colle au train c’est une horreur. Elle m’avait suivi tout en me parlant de tout, de rien et noyé dans le ronron de la musique de sa voix, le contenu complètement insipide de ses propos me passait, en nuages cotonneux, largement au-dessus de la tête. Néanmoins, j’y répondais par reflexe, par politesse et par des hochements de tête ponctués de : « Moui ! Moui ! » du bout des lèvres…
Et puis, peut-être pour justifier qu’elle ne collait ses pas dans les miens que pour être plus audible ; elle prononça un nom au milieu d’une question. Un nom qui résonna dans mes oreilles tout en allumant une multitude d’images. Ce nom s’illuminait comme si elle l’avait éclairé avec un énorme projecteur dans la nuit noire. Ce nom projetait son visage sur un écran géant. Ce nom me figea debout statufié avant que, pour ne presque rien laisser apparaitre du trouble occasionné, cet arrêt sur image ne se remette très vite en mouvement bercé par le cliquettement des bobines dans le projecteur.
Par magie et sans avoir eu besoin de m’asseoir dans la Delorean du professeur Emmett Brown, ce nom me fit remonter le temps, et me déposa dans la seconde; au temps du lycée. Pas dans la meilleure période mais devant la silhouette de cette prof, de dos s’activant à écrire à la craie sur le grand tableau vert de longues formules algébriques.
Et puis, au ralenti, avec un son ambiant qui semblait avoir traversé un aquarium, elle se retourna pour me livrer son visage. Au ralenti toujours au ralenti, le battement de ses paupières entrainaient ses longs cils comme des ailes de papillon à s’ouvrir et à se refermer sur la lumière de son regard. Eblouissante lumière. Et ce regard balaya la classe avant de s’arrêter sur le mien. Que me disait-il aujourd’hui ce regard revenu de si loin ? Comme si nous y étions encore.
Quel visage ! Un des rares visages que j’aurais pu peindre les yeux fermés. Et puis sa voix douce mais ferme sur quelques mots dans ce rêve éveillé. Et cette manière de ce déhancher pour s’appuyer contre son bureau et s’y asseoir juste sur le fil de sa cuisse droite. De croiser à moitié les bras pour garder sa craie au bout de ses doigts prête à l’action. Si cette craie avait été une arme on aurait pu penser à l’affiche d’un James Bond au féminin. Un sourire, rare très rare. Et surtout ce regard pénétrant qu’il fallait avoir la force d’affronter plus encore que de lui résister. D’ailleurs qui essayait ? A part moi? Au début dans la plus grande discrétion du reste des élèves et par la suite dans la plus intime complicité. Complicité de ces regards qui se croisent, s’écrivent, se parlent, se questionnent, se jaugent et se caressent en silence, en secret, sans que personne ne voit, ne sente, ne juge et ne devine rien.
Et oui, une prof qui n’était pas une vielle peau, acariâtre et rabougrie, comme il est de coutume de les caricaturer quand on s’en remémore certaines, mais non, bien au contraire ; une belle, une très belle femme.
Elégance, charme, présence et ce petit quelque chose de mystérieux et d’indéfinissable qui me fascinait. Et tous ces qualificatifs et tant d’autres, mais je me freine pour ne pas faire trop long, pouvaient autant s’appliquer à sa façon d’être, de se mouvoir que de de se vêtir avec chic et classe. Et puis elle avait ce port de reine au dos droit qui rajoutait un plus à cette beauté inaccessible dont elle jouait pour se protéger ; mais ça je le comprendrais bien plus tard.
Je pourrais vous en parler à l’infini en passant par ses grands yeux en amande qui, si ce n’était la couleur, me rappelaient ceux de Julie Piétri et pas que les yeux d'ailleurs…
Mais une voix de crécelle déchire mon flashback, analepse en français, ou voyage dans le temps !....
-Alors ? Tu t’en souviens de cette prof de math ?
- Si je m’en souviens?... Avais-je vraiment envie de lui répondre? Pouvais-je lui dire la vérité ? Je me contentais d’un :
- Oui, un peu ! Et mon doux mensonge me faisait jubiler et frémir. Un long frisson chaud ou froid je n’en sais plus rien me parcouru les bras et la nuque.
La seule prof grâce à qui après les cours, mon cerveau avait une vision concrète de l’ensemble vide. La seule prof, qui malgré tous ses efforts, aura su m’apprendre, au moins durant un temps, à ne rien comprendre aux maths. La seule prof qui s’était complétement trompé sur la réalité de ma vie au quotidien ne s’arrêtant qu’aux apparences et ne choisissant de ne croire qu’aux pires. Mais le pire était bien pire que ce qu'elle pouvait imaginer. Je lui avais pardonné… Et j’apprendrai; que ce petit quelque chose de mystérieux et d’indéfinissable qui me fascinait chez elle ; la fascinait chez moi. Etait-ce le même ?
- Tu parles si je m’en souviens.
D’ailleurs, avant que l’évocation de ce nom ne mette le feu à ma mémoire et ne fasse ressurgir tout ce que je viens d’évoquer et tout ce que je n’exprimerais pas par pudeur ou par respect; j’avais mis des années pour totalement l’oublier ma prof de math.
Mais voilà, que pour poursuivre son monologue et rester audible et compréhensible l’amie, qui n’est en réalité qu’un copine améliorée, et qui me suit à me toucher, change de sujet en découvrant la déco de la pièce la plus intime de ma maison et après s’être extasiée tout sourire devant une photo d’un autre siècle où je posais sur fond de mer à côté de notre fils, me lâche le plus naturellement du monde avec un rictus qui lui déforme les lèves :
- Dis donc ! Qu’est-ce que vous étiez bien tous les deux. Sous-entendu : Qu’est-ce que vous avez changé.
Mais comme d’habitude, le pire tombe inexorablement juste après un court silence qui enrobe de sa musique pesante une longue analyse dans l’observation des détails de la photo.
- Et ton fils... qu’est-ce qu’il était mignon. Remarque il se ressemblait déjà beaucoup à l’époque et toi !?...La vache… t’étais… vraiment très beau.
Sous-entendu : Lui il ne vieillit pas trop mal mais alors toi mon vieux t’as vach’ment morflé. Je vous éviterai le chapelet de compliments tout aussi maladroits qui suivit!
Ses doigts sur la vitre du cadre m’avaient déjà passablement énervé au point que j’avais failli lui arracher des mains si elle ne l’avait pas, par chance, reposé dans les temps. Mais en plus, comme si j’avais besoin de soulever la soupape de décompression avant que la cocotte n’explose, j’aurais bien évacué un long soupir suffisamment bruyant pour qu’elle en accuse réception. Mais, self-control ! Je me contentais juste de relever les yeux sans soulever la tête pour la fusiller du regard avant de lui répondre… Et puis, marche arrière toute… je me suis dit : « Laisse tomber, ça n’en vaut pas la peine ».
On a beau se dire qu’on s’en fout, que c’est normal, qu’on ne peut pas être et avoir été, qu’il y a eu les soucis, les peaux de bananes que la vie a clairsemées sur nos routes, des jours et des nuits compliquées, de longues périodes si rudes, si dures qu’on a même pas eu le temps de se rendre compte de la profondeur des rides qu’elles avaient creusées. Putains de pattes d’oie au bord des yeux. Rides de caractère ? Tu parles. Quoi que ?… Mais bon on s’en passerait facilement quand même !
On a beau se dire que le temps n’a pas eu la délicatesse de faire un détour pour nous épargner. Que tout est normal et qu’à bien y réfléchir en se comparant à d’autres on ne s’en sort pas trop mal. On a beau se dire et trouver toutes sortes de raisons et de prétextes dont on sait pertinemment qu’ils ne sont que prétextes ; ça affecte et ça blesse ! Un peu, beaucoup, énormément ; ca dépend de nos capacités de réception ou notre aptitude à encaisser les coups bas. Et peut-être à admettre simplement la réalité. Dure réalité. Bref ! Ça touche. Et comme à la bataille navale selon les circonstances : Boum !...et Gloup ! Gloup…touché avant Glou ! glou ! …coulé.
Ça touche tant, que même si les grimaces et les pincettes sur nos joues que nous renvoient les miroirs nous consolent un peu ; on en vient quand même à questionner discrètement et avec un brin humour notre meilleur copain et à interroger, toujours avec les apparences de celui qui s’en fout royalement pour confirmation quelques amies.
Amies qui, à leurs manières nonchalantes et vaguement teintées d’humour de nous répondre, vous laissent entendre qu’elles ne vous croqueraient pas tout cru, mais qu’elles sont prêtent à s’en contenter si nous décidions de franchir un cap auquel elles n’avaient pas songé avant notre question.
Là on fait semblant de les croire. Surtout au pas songé. Ça regonfle un peu notre orgueil et notre égo et nous comprenons alors que nous sommes encore consommables. Consommable malgré les dates de péremption sur étiquetage que nous nous étions bêtement collés nous-même sur l’emballage à cause de l’autre abrutie et de ses remarques à la con.
Touché, coulé ! On y repense malgré la bienveillance de nos amies absolument pas intéressées. Touché mais pas vraiment coulé… Ça n’est pas la première fois. On ferme toutes les écoutilles on se laisse descendre et dès que les pieds atteignent le fond on donne une grande poussée pour rejoindre la surface. Et vous verrez que pendant le court instant où nous avons manqué d’oxygène, même légèrement bu la tasse, pendant ces courts instants, on ne se pose même plus de questions. Votre instinct de survie vous aura aidé à relativiser et a vous rappeler que tout ça n’est pas mortel.
Ouf ! Deux jours se sont écoulés. Je suis remonté à la surface. La vie a repris son cour. La photo dans son cadre est toujours à la même place et pour la première fois je la reprends dans mes mains pour simplement la regarder attendri par le souvenir, du lieu, de l’époque, et cet amour inoxydable qui nous lie l’un à l’autre et qui se lit dans nos yeux.
Je voudrais faire abstraction de la réflexion mais elle plane encore comme un écho dans ma mémoire. Au fond elle n’a pas dit n’importe quoi l’autre conne ! C’est bien ainsi qu’on surnomme gentiment ceux qui nous contrarient. Et encore en restant polie. Elle a
juste oublié d’y mettre les formes. Et si au fond ce n’était qu’un mal pour un bien ? Et si ça nous booster ? Non on ne reviendra pas en arrière. Non il y a dans le physique des éléments qui ont pris un coup dans l’aile et vous n’y pourrez rien changer. Mais il y en a d’autres qui demandent juste à ne pas se laisser aller. A juste se maintenir pour éviter la déconfiture totale.
Evidemment, il y aura toujours quelqu’un de bien-pensant et bien-attentionné pour vous faire remarquer qu’il n’y a pas que le physique qui compte ! Tu parles. Ça c’est comme ceux qui vous disent que l’argent ne fait pas le bonheur. Même s’ils n’ont pas tort, en principe ils sont blindés. Et ceux qui minimisent l’importance du physique ont souvent des gueules d’ange et des physiques justement à faire pâlir de jalousie toute une génération.
Arrivé à ce niveau je devrais conclure et comme prévu à l’origine de l’idée de cette chronique vous parler du relooking. Mais non, le relooking en français l’art de se relooker je sais le néologisme est quelque peu douteux j’ai rien trouvé de mieux, le relooking ça sera pour une autre fois.
Je vais terminer sur ma prof. C’est en écrivant qu’au fil des mots, des descriptions, des micro-confidences, l’émotion ma pris à la gorge.
Qu'on ait eu une vie simple et sans histoires, ou une vie amoureuse exceptionnelle qui aurait du faire tout oublier. Quand on revoit des images comme celles qui sont remontées ; durant des années ont se dit : peut-être qu'un jour on se reverra, on parlera, on se retrouvera… un jour ! Un jour, sans la chercher, sans prévoir, sans le provoquer, par le plus grand des hasards, sans forcer le destin. Et puis, le temps passe et rien n’arrive.
J’avais quoi 17 ans j’en paraissais 22. Elle 35… 38. Aujourd’hui elle doit... En avoir… faites le calcul où plutôt non, ne le faites pas.
En remontant le temps dans l’ombre de ma prof, d'autres visages sont venus troubler mon esprit, d'autres visages, d'autres sourires, d'autres regards...dont un qui... mais Là encore, jamais les hasards de la vie, même pour une heure, même pour une jour, ne nous ont à nouveau réunis et pourtant…
Alors si, comme l’ont si souvent prédit les écrivains, car qui mieux que tous les scientifiques réunis ont su prédire l’avenir à par les auteurs, les poètes et les écrivains? Un jour peut-être dans une autre vie qui débutera comme celle-ci, prendrais-je le temps de prendre d’autres chemins…
Mais en attendant, de peut-être un jour réécrire certaines pages du roman de ma vie, aujourd’hui, le mieux ; c’est de garder précieusement ces belles images qui défilent encore au ralenti sur l’écran de la mémoire.
Ainsi Va la Vie…
(A suivre…)
Williams Franceschi
Conseils de la semaine:
1) Théâtre: La raison d'Aymé Gérard JUNIOT Isabelle MERGAULT
2) Exposition : Lorraine Lebrun & Dominique Morillon-Bossut du 30 mars au 2 Avril
3) Rock'n roll: Les Vagabonds et Kęty Lucy le 31Mars St Georges Baillargeaux (86)
4) Roman: Elle s'appelait Michèle roman de René Mestrallet
5) Concert: François STAAL le 7 avril Le Scarabée la Verrière...
6) Spectacle: BRASSENS aime le JAZZ (Théâtre Trévise)du 04/04 au 23/05/2018
7) Cinéma: La Finale Thierry Lhermitte .. Rayane Benzetti
8) Woman show: Le Génie du vin de par et avec Sylvie MALYS tous les mardis à 20h Théâtre du gymnase
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