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Ainsi Va la Vie… épisode n°112… Les ESCARGOTS

img094.jpgLe ciel, tendu  comme une toile grise, encore bas et  lourd dissipe une lumière qui oblige à froncer les paupières. Aucuns nuages. Juste ce gris-bleu auréolé de-ci de-là de taches aquarellées plus ou moins claires dans l’axe d’un soleil présent mais discret.  

 

Je marche, calme, dans cet écrin de verdure. Après la pluie de la veille, les fourmis construisent de véritables terrils de terre fine et depuis quelques heures elles y clairsement des graines  diverses et variées certainement sorties d’un garde-manger profondément enfoui et caché.

Le vent et ces pluies quotidiennes ont abimés le velours des pétales des roses au pied de la treille. C’est la vie, la nature, d’autres roses encore en boutons sur un autre rosier à contrario semblent se réjouir de cette eau tombée en douceur.

 

DSC03446.JPGAidé par cette pluie abondante l’herbe a poussé drue plus vite et plus haut qu’il n’est de coutume en cette saison. Par obligation, hier en fin d’après-midi après que la chaleur ait fait son travail de séchage j’ai commencé à tondre. Ho ! Juste devant la maison pour simplement pouvoir accéder depuis  ma voiture à l’entrée de la terrasse sans fouler  cette micro forêt vierge. Une fois ce chemin d’accès tracé et taillé  j’ai vite rangé ces outils mécaniques en totale contradiction avec la vérité de cette nature sauvage qui heureusement sait toujours reprendre le dessus.

 

 Toutes les plantes ont leur utilité même les pires. Les ronces par exemple  ne sont pas à détruire, ça pique, ça blesse mais il suffit de les organiser pour qu’elles n’entravent pas trop notre passage, si celui-ci est obligatoire sinon pourquoi les ennuyer. Mais les ronces  peuvent servir de murs de clôture infranchissables à l’ombre desquels nombres d’animaux trouvent refuge et protection. Les ronces donnent aussi  de jolies fleurs que les abeilles butinent et surtout des mures. Si vous n’avez jamais gouté à ce joli fruit essayez. Essayez surtout d’en faire de la confiture. C’est long, fastidieux parce qu’il faut les égrainer avec un tamis très fin plus connu sous le nom de chinois vous le saviez déjà suis-je bête. Mais cette confiture-là vous ne pourrez jamais l’acheter dans le commerce et son gout si particulier…hum ! C’est ça aussi  pour moi les belles choses de la vie s’offrir le luxe simple de choses qui n’ont pas de prix.  

 img097.jpgDans nos jardins, sur nos petits ou grands lopins de terre, et  dans la vie de tous les jours aussi ; on maitrise, on ordonne, on coupe, on aligne et l’on range. On applique des règles dans un ordonnancement qui nous plait et dans une harmonie d’espace et de couleur qui rend notre environnement joli et agréable. Mais tant que je ne suis pas envahi, que ça ne devient pas invivable par la masse j’aime voir évoluer la nature par elle-même. Je lui laisse sa liberté. Sa liberté de s’exprimer qui lui permet de me montrer son vrai visage.  Et ce visage ; je l’observe dans toute sa splendeur et sa richesse.  

 

La nature autour de ma maison vit. Bien sûr moi aussi je l’aide à prendre forme dans l’espace qui m’entoure au plus près  pour qu’elle ne me domine pas. J’enjolive.

 

La nature est une très belle femme. On peut la regarder naturelle telle qu’elle est née et telle qu’elle évolue avec pour seuls atours la couleur de sa peau, ses cheveux lâchés qui ondulent sous le vent, ses regards mutins, aguicheurs ou tristes, ses sourires et cette façons de vous parler, de vous avouer, de souffrir ou de vous aimer du fond des yeux en captant la lumière pour y rajouter des sentiments qu’elle n’oserait pas du bout des lèvres. Naturelle jusqu’à certaines rides qui soulignent plus qu’elles ne marquent. Qui soulignent un vécu et donne au regard dans sa sincérité une profondeur extrême.

 

DSC03448.JPGLa nature; ce peut être aussi ce beau jardin bien organisé et toujours une femme. Une femme qui prend soin d’elle et  ajoute un plus à sa vérité grâce à un maquillage, du noir sur ses cils, du rouge sur ses lèvres, qui selon la nuance s’exprime autant que la couleur des roses, une robe qui sublime ses lignes ou affine certaines courbes qui ne sont disgracieuses qu’à ses yeux. Tous ces petits et grands détails  qu’elle a posés pour elle et pour l’autre ;  ajoute du charme au charme et de l’élégance à la beauté. Qu’elle ait fait un choix naturel ou sophistiqué selon le lieu ou la saison, les circonstances ou les besoins la nature comme une femme, quand on sait la regarder, est toujours riche, très riche de ce qu’elle nous offre.   

 

DSC03449.JPGAprès la tonte une voix féminine sortie de nulle part me gratifia d’un « Waouh !! Ça fait propre !" Auquel  je répondis par un sourire approbateur mais légèrement mensonger. Au fond je pensais « Mais ça n’était pas sale !… » Avant de couper ces herbes folles, qui n’ont de fou que leur plaisir de vivre sans contraintes ni limites j’avais récolté les escargots en goguette  pour les  regrouper au pied d’un arbre que je m’imposais de laisser en friche juste pour eux.  Y’a rien de pire que d’écraser un escargot ou de sentir sa coquille exploser sous les palles de l’implacable  tondeuse. J’aime bien les escargots dans la nature et dans mon assiette.

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Enfant, la pluie était synonyme dès les premières accalmies d’une légère bousculade  vers les bottes en caoutchouc, les imperméables, les vieux paniers à salades dans lequel nous allions stoker notre chasse. Une chasse qui nous obligeait à marcher des heures dans la colline et pourtant je ne me souviens pas avoir jamais entendu la moindre plainte ou le moindre gémissement.  

 

Si sur le chemin du retour  où nous avions systématiquement subi une averse impromptue qui nous laissait trempés jusqu’aux os malgré nos cirés de fortune; les affirmations et les certitudes de victoire au poids  que nous faisions teinter en secouant nos pauvres gastéropodes comme une confirmation sonore  allaient bon train.  Mais fallait-il encore attendre le verdict du comptage. Méticuleux comptage sous l’œil bienveillant et arbitre d’un oncle, d’une tante ou de mon père pour l’obtention du titre traditionnel et familial de meilleur ramasseur.

 

Mais le nombre d’escargots  était tout aussi systématiquement que l’averse pendant la chasse contré et ouvrait de larges débats sur les plus gros spécimens. Comme si les plus gros, plus rares, auraient dû compter double.  Débat où la mauvaise foi était de mise comme un deuxième concours.  Et après  ces âpres discussions houleuses,   certains « plus gros » pouvaient parfois compenser la faiblesse en quantité  et permettre d’obtenir des premières places exæquo.

 

Mais, car il y a toujours un mais, dans les pensées secrètes des enfants, ma quête personnelle et secrète était ailleurs. Je cherchais sans jamais en parler un escargot à coquille inversée. Si chez tous les escargots la spirale s'enroule de gauche à droite j'étais certain qu'il devait en exister qui s'enroulaient de droite à gauche et j'étais certain que cette course au Graal par sa rareté me rapporterait une fortune. Je n'apprendrais que bien des années plus tard que ce gastéropode n'apparaissait qu'une fois sur 20 000 qu'il s'appelait le Senestre et qu'en effet il était très recherché par les collectionneurs. Malheureusement je le cherche encore.

   

img096.jpgLa suite se résumait à trois semaines d’attente plus trois heures quinze précises de préparation en cuisine  avant de pouvoir déguster en famille ce repas traditionnel du dimanche : La Suçarelle.

Ces belles après-midi de mauvais temps ne furent pas légions mais je m’en souviens en détails comme de tous les beaux et rares souvenirs d’enfance.  

 

Avide de transmettre à mon fils non pas avec des mots mais avec des expériences tout ou presque de ce que l’on n’apprend pas à l’école et dont j’étais porteur de la mémoire, je l’ai tout petit initié à la chasse aux gastéropodes, comme aux champignons, aux asperges, à la pêche à la ligne ou sous-marine et tant d’autres choses non vitales mais essentielles … Sauf  à la chasse.  Comme j’avais appris à ma nièce Jennifer à  imiter le roucoulement des tourterelles pour qu’elles lui répondent et s’approchent sans crainte.

 

Un jour, mon fils en soulevant de larges feuilles m'appela au secours. Qu'avait-il trouvé de si extraordinaire? Et ça l'était: Une nurserie! "Papa! papa y'a plein de bébés". Après une longue observation des œufs, nous décidâmes de nous lancer dans l'élevage d'escargots en rapatriant d'abord sa découverte comme base de départ.

Que de journées à nourrir tous ce petit monde, et à les voir grandir sous ses yeux ecarquillés. Que d'heures à chercher dans les livres comment bâtir notre petite entreprise et  construire dans des caisses la maison des escargots... Cela dura trois mois avant que nous ne relâchions là où nous les avions trouvés la centaine d'œufs devenus petits escargots et les petits escargots devenus grands... Mais de cet élevage ( très bruyant) plus de vingt ans plus tard nous en parlons encore

 

Transmettre sans chercher à être plus pédagogue que ça. Juste montrer du doigt ce que les yeux voient mais ne regarde plus, ne regarde pas, ou  pas assez bien. Transmettre l’envie de découvrir comme mon vieil instituteur m’avait appris à apprendre.

 

Mais la nature qui m’entoure m’apprend encore tous les jours. La vie ne cesse de nous apprendre parfois par ses caresses le plus souvent par ses blessures. La vie aussi belle soit-elle, par ses revirements et ses coups du sort nous rappellent chaque jour à la Modestie. La nature elle ; par sa beauté, sa force et son immensité  nous rappelle à  l'Humilité.

Ainsi va la vie

 

(A suivre…)

 

Williams Franceschi  

 

 

Première photo (Aout 97) mon fils Davy à 2 ans avec son grand-père et les escargots ramassés la veille ... plus loin ( en 2000) Photo de Davy au nettoyage des champignons  sous l'œil de Laure sa grande amie...  

 

       

 

 

 

 

 

  

 



12/05/2018
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