Ainsi Va la vie... épisode n°3 01...ENCORE un MATIN !
Apres vérification par le rétro que les ailes du portail s’étaient bien refermées derrière moi malgré la violence d’un vent à décorner les bœufs, j’avais précautionneusement garé ma voiture à l’abri de la maison et loin des arbres qui se pliaient à la limite de la rupture sous la force des bourrasques.
Mon moteur chaud, tournait encore au ralenti, laissant la soufflerie du chauffage, compenser à l’intérieur, un froid glacial qui sifflait sa colère contre ma carrosserie et mes vitres protectrices. Ce même vent froid, qui dans quelques secondes, allait me bousculer et repousser à contre-sens ma portière au risque de l’endommager ou pire, de l’arracher, quand j’essaierai de la refermer. Pour l’instant, dans l’attente d’une accalmie, au chaud, les mains sur le volant, je me laissais encore bercer par la chanson : « Encore un matin »… de Goldman que déversait l’autoradio…
Encore un matin ! Mon esprit flottait sur la rythmique. Et les paroles, choisies et ciselées de plume d’orfèvre pour faire mouche, me ramenaient vers mes propres matins. Même si, contrairement à ceux évoqués par Goldmann, les miens, dans la réalité, ne m’entrainèrent jamais vers un matin pour rien… A moins que ces matins, qui n’aboutissaient a rien, je les ai inconsciemment occultés. Car pour distinguer les matins, il faudrait les détailler dans le contexte de leur époques, en commençant, ordre chronologique oblige, par nos matins d’enfance.
Les plus marquants ? Pas sûr ! Même si l’enfance, si courte, se grave en nos mémoires à tout jamais avec une sensation de longueur dans la durée. Mais cet espace-temps, sans rentrer dans de longues et rébarbatives théories, n’est en fait qu’une illusion.
Mis à part quelques images éphémères ou lourdes de conséquences, Je ne me souviens vraiment de mes matins d’enfance qu’à partir de l’âge de six ans, date de mon entrée à la grande école. Une école de garçons à vingt minutes de marche de la maison. Ecole de Garçon, auréolée en plus de la banderole : Liberté, égalité, fraternité. On ne pouvait pas se tromper c’était gravé en gros dans une courbe de pierres blanches au fronton de son énorme porte en fer.
A six ans je savais lire. Je ne me souviens plus précisément depuis quand, mais je savais lire. Pas écrire, à part mon nom et mon prénom, mais je savais lire, bien avant de faire semblant de l’apprendre dans la classe de CP de cette école de Jules Ferry aux méthodes et à la discipline presque militaire. Je savais aussi compter, sinon comment aurais-je pu vérifier la monnaie des commissions. J’avais seulement très vite compris que mieux valait ne rien laisser paraitre de tout ce que je savais bien avant l’âge pour me noyer dans la masse et la normalité. J’avais aussi compris que ma petite enfance ne ressemblait pas vraiment à la majorité de celle de mes petits camarades. Ça ne me rendait ni triste ni envieux, c’était comme ça et au fond je me sentais assez bien et heureux dans mon univers nettement différent.
A 8h30 précise, simultanément aux hurlements d’une sonnerie digne d’un appel aux abris en temps de guerre, la lourde porte s’ouvrait de moitié, poussée par le directeur. Et là, toutes les mamans attendaient le petit signe de main et le rictus approbateur du maitre des lieux, pour s’autoriser à lâcher la main de leur progéniture.
Ha le directeur ! Un énorme personnage ventru en costume sombre et cravate qui inspirait le respect par sa stature et contrôlait, dans une posture de gardien du temple et d’un air autoritaire, l’entrée des élèves dans le calme… Je me souviens même de ma première institutrice ; madame Marron. Mais comment ne pas s’en souvenir. Elle représentait l’archétype même de la méchanceté. La mère Folcoche de Vipère au poing à côté de cette maitresse, c’était blanche neige. Une sorcière à vous faire détester les femmes. Heureusement, si elle a marqué cette courte période de ma vie, elle ne m’a en rien influencé, ni sur mes orientations, ni sur mes choix, ni sur mes relations futures avec la gent féminine.
Mais, revenons sur ces matins d’enfance… Je me réveillais naturellement à sept heure trente précise. Juste quelques secondes avant que le réveil, perché sur un horrible bahut en polyester qui se voulait dans l’air du temps de ces année-là, ne sonne. Réveil que j’éteignais avant que son tintamarre ne me brise les oreilles et ne réveille mon grand-père. A cette heure mon père était déjà parti. Alors avec la précision d’une checklist d’aviateur, dans un ordre immuable, je commençais par faire une toilette de chat à la pile de la cuisine.. La pile c’est un évier en pierre typiquement provençal. Je m’y revois, debout, en équilibre sur une chaise. Une des quatre chaises en formica bleue, assortie à la table tout aussi moche, mais surtout hyper glissante. Je me revois m’élever sur la pointe des pieds pour me coiffer et jouer de quelques grimaces face cette glace bien trop haute.
Amusant cette image qui me revient au moment où j’écris, et qui me fait vaguement sourire ce qui n’était pas le cas à l’époque. Ensuite, je déjeunais d’un bol de café au lait, je lavais mon bol, préparais mon cartable, enfilais quelques vêtements choisis en fonction du temps, que j’avais humé par la fenêtre, toujours en montant sur ma chaise en formica, et enfin, je réveillais mon grand-père qui se dépêchait de s’habiller pour m’accompagner à l’école… Ces images, remontent sans nostalgie aucune. Elles remontent avec précision parce que je vous les confie comme un vieux film que je sortirais de sa boite poussiéreuse pour le projeter sur un écran improvisé. Un vieux film muet en super 8, mais couleur néanmoins. Il pourrait se poursuivre par ces matins : « Sur le chemin de l’école ». Suite logique qu’on gardera pour une autre séance.
Le vent ne se calme pas. La chanson de Goldmann est maintenant remplacée dans les haut-parleurs par la voix d’un chroniqueur qui m’incite à éteindre l’autoradio même si ses propos sur les ravages de la météo sont plus qu’instructifs. Mais voilà, je suis en plein dans l’œil du presque cyclone, alors, que pourrait-il m’apprendre que je ne sais déjà ? Non, je pense à ces matins.. Mes matins. Et plutôt que de me les remémorer seul dans cette voiture en milieu de tempête, je pense tout à coup, qu’il serait amusant d’en relater quelques-uns à travers des nouvelles ou des chroniques.
Sorti en catastrophe de ma voiture, et après, comme prévu, qu’Eole et ses complices aient failli m’arracher la portière, je suis maintenant bien calé devant l’écran de mon ordinateur et une tasse de café qui ne fume plus et refroidit a vu d’œil à coté de ma souris et de deux stylos.
Si l’idée de vous écrire mes matins est bonne, par où poursuivre ?...Quels matins vous raconter ? « Encore un matin… » Il n’est pas tard…Nous sommes encore le matin et le soleil à travers les carreaux filtre de longs faisceaux de cathédrales… ça me rappelle aussi la lumière des projecteurs de cinéma traversée de millier de particules en suspension dans l’air. Particules invisibles avant qu’on ne les éclaire.
Dans la vie, il y a tant de choses invisibles avant qu’on ne les éclaire. Tant de choses… Mais fallait-il, ou faut-il les éclairer ? Ce matin, c’est encore un matin… où je m’interroge!... Pas toi?...Pas vous ?
Ainsi Va la Vie…
Williams Franceschi
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