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Ainsi Va la Vie… épisode n°215… Le silence

 

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Ce matin, 6h15.
Je clique d’un doigt incertain sur mon réveil pour lui éviter de réveiller en sursaut toute la maison par son tintamarre avant d’allumer la lampe de chevet.

 

Allongé, j’observe ce plafond que je connais par cœur jusque dans ses moindres défauts et je pense à une vieille chanson. Je pense surtout à son interprète Georges Ulmer. Drôle d’idée de penser à cet artiste au réveil. J’y pense et comme me l’avait souligné Laurence Hollevoet Pistachi, une amie et lectrice, je prends un peu plus conscience, s’il en était besoin, que j’ai eu et j’ai encore beaucoup de chance d’avoir pu rencontrer autant de personnages de talent.

 

Des  artistes en particuliers que je n’ai parfois que croisés le temps d’un repas d’un verre ou d’un changement de costume dans les loges et d’autres avec qui  je me suis  lié d’amitié. Certains nous ont quittés, ou je les ai perdus de vue et avec quelques-uns  l’amitié perdure.

 

Georges Ulmer était accoudé au comptoir à l’entrée du théâtre de Dix heure où j’attendais pour passer une audition. C’est lui, en ressentant ma nervosité qui s’est adressé à moi pour me calmer et surtout me faire partager son expérience de la patience.

 

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J’aurais pu lui chanter « Pigalle » son immense succès en imitant sa voix. Mais ce jour-là je m’abstins, intimidé avouons-le par cet artiste qui s’adressait à moi avec autant de gentillesse et de simplicité alors qu’il était  vedette et moi un illustre inconnu.

 

Apres l’audition, c’est encore lui, debout impassible au même endroit, qui m’interpela avec cet accent si particulier que je croyais américain, pour me demander si ça c’était bien passé. Pourquoi m’avait-il attendu ? Vous dire que ça m’avait touché serait bien léger. D’ailleurs même aujourd’hui je ne trouve pas les mots justes pour décrire l’émotion qui m’avait traversé cet après-midi-là mais le souvenir reste immuable.

 

Quelque jours plus tard, au comptoir d’un café dans le même quartier en attendant de me représenter au même théâtre ou j’avais été convoqué, mais par le plus grand des hasards, je rencontrais Mouloudji. Marcel Mouloudji, comme un p’tit coquelicot, qui avait rendez-vous au même endroit juste après moi. Je vous raconterez cette rencontre une autre fois.            

 

13576792_1220376391335775_322273492211922013_o.jpg6h30. La maison dort encore. Le soleil pointe à peine ses micros spots sur l’horizon et le vent ne fait vibrer que la cime  des grands arbres comme un salut timide au  lever du jour.

 

J’ai déjà fait ma toilette, préparé les plateaux du petit déjeuner et appuyé sur le bouton  Start de la machine à café. En principe elle est programmable mais on ne la programme jamais. Très vite les premières gouttes hurlent leur souffrance avant de s’engrainer une à une ou à flot discontinue selon leur humeur. Distillation  bruyante. Mais ce bruit familier  est compensé par l’odeur qui s’exhale comme un parfum. Ce parfum du café chaud qui embaume de souvenirs.

 

Tout est prêt, mais tout le monde dort. Dehors il fait doux et le petit vent que j’observais par la fenêtre a cessé. Eole est retourné finir sa nuit.  En principe il se lève vers 10h.  Ce dieu du vent à ses habitudes depuis la nuit des temps, inutile de le mettre en colère surtout s’il a terminé la soirée avec Bacchus un vieux copain de régiment.

 

 

 

 

Dehors c’est le silence. Le silence absolu.

 

 

J’ai parlé trop vite une tourterelle roucoule. Y’en a plein sur le terrain. Des sauvages. Sauvages étant juste  le qualificatif pour les distinguer des domestiques car au fond, sauvages ou pas, elles sont très civilisées.

C’est une femelle. Son chant est plus doux que celui des mâles. Elle fait : Hou Cou courrrrou alors que le mâle fait : Cou 

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Crrrrrou plus sec avec moins de trilles. Et là, mais  je ne le vois pas, quand le mâle roucoule il bouge sa tête de bas en haut comme s’il disait Oui.

Ah ! Ces mâles, quel que soit leur races,  toujours à essayer de se faire remarquer alors que s’ils y faisaient attention la femelle qui les attend, et pas toujours celle qui les intéresse,  ne les quitte pas des yeux.

 

Non je ne suis pas un expert en Tourterelles. J’observe sans plus et quand un sujet me captive je l’étudie un peu  pour ne pas mourir idiot.

 

La tourterelle qui roucoulait s’est fait la belle, le silence a repris le dessus et nappe l’espace.

 

Le silence. Le pire et le meilleur des amis. Il y a le silence de l’absence ; le pire. Ce silence qui vous souffle des images dès que vous fermez les yeux. Des images qui viennent et reviennent. Des images qui vous enferment dans le ghetto  de votre propre silence puisque de ces images vous n’en parlerez à personne. Et à la question : «A quoi tu penses ?» vous répondrez : «A rien !».  Ce silence vous fait mentir pour ne pas souffrir. Souffrir de divulguer ce que vous avez peur de perdre et qui s’assèche pourtant peu à peu à force de le taire.

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Mais ce matin, c’est juste le silence de la nature. La musique de pas de bruits ; à par le bruit de mes pas qui craquent sur des brindilles et l’herbe sèche.

 

Que faire ? M’asseoir, cueillir un brin de fenouil et le mâchonner en observant la vie en pleine campagne se réveiller tout doucement ? J’aurais pu. Mais mon cerveau s’est mis à écrire une scène. Sans crayon, sans papier,  il construit une scène pour un roman en cours. Une scène qu’avant, je transcrivais à la va vite pour ne pas l’oublier et qu’aujourd’hui je laisse murir pour n’en poser dans l’urgence que les grandes lignes au risque d’en perdre les détails.

 

Avant   je me précipitais en tout. Aujourd’hui je me dis que si je perds l’idée c’est qu’elle ne devait pas être assez bonne pour s’introduire dans mes pages. Et dans la vie ces dernières années,  je me dis à peu près la même chose. Je ne cours plus après rien. Et étrangement les rôles s’inversent souvent quand plus aucune lueur d’espoir ne brille ni dans mes yeux ni dans mon cœur. Si tu ne vas pas à Lagardère… vous voyez vous connaissez la suite.     

 

J’admire le ciel et sur ce fond bleu une scène se dessine. Une scène qui ne tient en rien à mon imagination ou très peu. Sauf les dialogues qu’on ne peut pas laisser tel quel. Cette scène c’est juste le transfert d’une réalité. Le cerveau tire sur l’écheveau de laine du vécu, tisse sa pelote puis la tricote.

 

Et quelques heures plus tard, je remanie ce que mon cerveau avait juste ébauché….

………………………..

 

  – J’aime être seule mais je n‘aime pas la solitude.

Quelques mots, soufflés à fleur de lèvres dans l’épissure d’un sourire. Juste quelques mots. Qu’il aurait pu reprendre et compléter par :

– J’aime être seul mais je n‘aime pas la solitude…Parce que le pire de la solitude c’est quand on prend conscience qu’on ne manque à personne.

 

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Il aurait pu reprendre et compléter mais il s’abstint. Il baissa son regard sans indirectement la quitter des yeux tout en se répétant sa phrase en écho, juste sa phrase à elle.

 

Des mots simples, qui jetés au vent dans une conversation normale n’auraient marqué personne. Mais lui, buvait ses paroles. Comment mieux la connaitre qu’en écoutant ses gestes et ses silences, en pesant ses réactions, en suivant ses attitudes, en lisant entre et à travers le moindre de ses propos ; tout en lui donnant l’impression de l’écouter avec désinvolture pour qu’elle ne se sente ni épiée ni analysée. Sauf qu’il  avait compris, mais avec un temps de retard, qu’elle en faisait tout autant avec la même délicatesse. Il avait compris aussi par cet entrefaite ; qu’ils se ressemblaient. 

 

Ils nageaient tous deux dans la découverte.

 

La découverte. La plus belle phase de l’amour. Même inavoué. Et ils vivaient avec la même intensité ce début. Ce fabuleux début qu’on racontera mille fois avec toujours la même émotion en se souvenant du lieu, de l’heure, du jour, du temps, de la couleur de sa robe ou de sa chemise, de l’odeur de son parfum, des gestes malhabiles, des sourires en réponses gênées… On se souviendra de tout dans le moindre détail. Des sensations du premier regard à l’émotion du dernier baiser, en espérant le prochain.

 

Ainsi Va la vie…

 

Williams Franceschi

 

Je vous embrasse, sortez masqués… mieux vaut prévenir que guérir.

 

 

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21/08/2020
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