Ainsi va la vie… épisode n° 114… "L' HOPITAL "
Un hôpital aussi beau, aussi grand, aussi moderne soit-il reste un hôpital. On n’y pénètre pas pour admirer les performances techniques du constructeur ni les prouesses d’un architecte hors pair dont on ne connaît même pas l’identité sauf à s’arrêter sur cette plaque commémorative qu’on oubliera aussi vite franchi le seuil des grandes portes coulissantes.
On y vient par obligation avec une seule envie le quitter au plus vite.
Et quand c’est en visite le cœur serré avant ou après toutes interventions aussi bégnines ou graves fussent-elles.
On est loin des hôpitaux mouroir aux enfilades de lits dans la promiscuité où les chances d’en sortir plus mal en point qu’à l’entrée étaient monnaie courante. Ne disait-on pas : « Tu y entres en marchant tu en ressors les pieds devants ». Et même si aujourd’hui les infections nosocomiales n’ont pas encore été éradiquées ces temples de la médecine n’ont pas évolués ; ils se sont métamorphosés.
On dit qu’après la seconde guerre mondiale, à l’heure des premières autoroutes, le général De Gaule aurait demandé à ce qu’aucuns arbres ne soient plantés sur la bande de séparation des voies opposées et sur une grande largeur sur les accotements pour qu’en cas de nouvelle guerre les avions puissent y décoller et y atterrir sans risque pour leurs ailes. On dit aussi qu’il aurait préconisé que les halls des hôpitaux soient le plus larges possible pour, toujours en cas de guerre, y loger un maximum de lits dans l’urgence. Je n’ai aucun moyen de prouver mes dires sauf qu’ils m’avaient été confiés par un amiral de ses amis.
Est-ce pour perpétuer les conseils du grand Charles que les halls de nos hôpitaux sont toujours aussi inutilement vastes générant ainsi par leur immensité blanche un climat de froideur et de solitude ? Ces gigantesques halls inchauffables et démesurés ont-ils encore aujourd’hui une réelle fonction ? On pourrait s’en moquer. On ne vient pas ici pour apprécier la force de la lumière à travers ces baies qui n’en finissent plus comme si l’on se promenait sous une verrière royale. Mais Cela cache-t-il une utilité sous-jacente ? Les malades qui y déambulent se sentent peut-être moins oppressés. Au fond je n’en sais rien. Sauf que ces halls continuent et continueront longtemps à ressembler à une cours des miracles où toutes sortes de pathologies se côtoient à pied, en béquilles, en fauteuils roulants et tant d’autres moyens de déplacements médicalisés transportant des malades affublés de plâtres et de pansements, aux visages empreints des stigmates de la douleurs tirant un appareil respiratoire, une perf, en croisant des brancards qui passent et repassent d’un étage à l’autre ou sortent en urgence des ambulances avec toujours ce parfum d’angoisse qui nappe l’air ambiant.
Ce microcosme nous rappelle que de la sortie des ascenseurs jusqu’à la pseudo-cafétéria en passant par l’accueil nous ne sommes ni dans un hall de gare, ni dans l’agora d’un hypermarché ou d’un hôtel de luxe ; mais bel est bien dans un hôpital.
L’hôpital n’est plus le même mais le personnel, ne change pas sauf qu’il évolue et s’adapte parfois bien malgré lui, à de nouvelles mentalités et aux extraordinaires avancées technologiques.
Quoi que, je me souviens, dans les années… n’affichons pas le chiffre mes gâteaux d’anniversaires n’en supporteraient pas le souffle sur la flamme vacillante de mes bougies ; je me souviens de religieuses-infirmières à cornettes hyper dévouée et compétentes qui mêlaient dieu aux soins et rajoutaient une prière pour nous aider dans la guérison. Une époque aussi où souffrir paraissait normal.
Heureusement depuis quelques années souffrir n’est plus de mise et l’attention apportée à la douleur et aux moyens d’y palier sont devenus primordiaux.
Je n’ai jamais compris pourquoi on ne s’y attardait pas plus avant. Et je ne comprends pas aujourd’hui que les séjours soient si courts !
Je veux bien croire que nos temps de récupération comme par magie soient désormais d’une rapidité digne de certains humanoïdes de science-fiction mais j’ai un énorme doute… Sinon que les raisons économiques ont eu raison des besoins du patient. Mais cette dernière constatation ne concerne en rien le personnel qui me semble bien souvent aussi étonné que moi des dates de sortie après des interventions loin d’être bénignes.
J’ai toujours eu un profond respect et une immense admiration pour le corps médical ; de l’employé de service à de l’aide-soignante, de l’interne au chirurgien, des ambulanciers aux infirmières. Car, au-delà des études de plus en plus longues et de plus en plus difficiles qui débouchent sur un métier qui n’en est pas un ; plus que la foi il faut à tous les niveaux être investi d’une véritable vocation.
Si bien souvent notre avenir se joue sur le diagnostic d’un médecin qu’il soit spécialiste ou pas, de longs traitements, des recherches au sein de laboratoires, hypersophistiqués et plus radical au bout des doigts d’un chirurgien la suite ne serait pas aussi évidente s’il n’y avait pas toutes ses petites mains pour nous soigner, nous aider, nous guider, nous soulager, nous comprendre, nous écouter, faire notre lit ou nous réconforter.
Et pourtant, après avoir franchi la porte de sortie, pressés de nous éloigner de ce que l’on voudrait n’être qu’un mauvais souvenir ; on les quitte parfois, pas toujours mais très souvent, sans au revoir ni merci…
Qui d’entre vous a penser un jour à envoyer des fleurs, des chocolats, ou un simple mot à la sage-femme qui vous a aidé à mettre au monde cet enfant que vous adorez ? Qui a pensé à en faire de même avec cette équipe chirurgicale qui a passé des heures après un accident pour que ce corps qu’on croyait perdu fonctionne encore ? Qui après avoir été soigné de blessures plus ou moins graves ou d’une longue maladie, c’est fendu d’un simple SMS de remerciement ?... Soyez honnête ! Devons-nous considérer qu’au même titre que le plombier, ou le mécanicien qui a réparé une fuite ou notre voiture ils ont fait leur boulot et qu’on les paye pour ça ?...
Au même titre, que je suis donneur de sang et qu’il ne suffit pas de dire qu’on va le faire parce que je vous en parle, mais le faire ! Et prendre conscience que donner quelques centilitres de ce liquide précieux ce n’est pas douloureux et même si ça l’était qu’elle fierté de penser que vous contribuez à sauver des vies
Au même titre, je ne suis pas donneur de leçons ! Mais…j’ai toujours, même longtemps après et le plus souvent dans la plus grande discrétion, et c’est la seule chose que je regrette ; aujourd’hui je signe mon geste, remercier d’une manière ou d’une autre ces gens en bleu ou en blanc pour ce qu’ils avaient pu faire ou essayé de faire à mes proches ou à moi-même. Et pourtant j’ai bien souvent eu honte du peu que je rendais…
…………..
Hôpital… Clinique… Combien de fois y ai-je séjourné ? Le nombre m’échappe mais beaucoup plus en tout cas que la majorité du commun des mortels. La faute à pas d’chance.
La première fois ; nous étions deux, liés l’un à l’autre par un cordon. Problème, après un stage de formation permanente de neuf mois bien au chaud nourri logé ; je n’avais absolument pas envie de quitter mon nid douillet. La sage-femme avait bien insisté sur les techniques et les méthodes auprès de ma mère pour se séparer de ce locataire encombrant mais en vain.
Ayant tout entendu de ses conseil expéditifs, car ne vous y trompez pas, même immergé dans le liquide amniotique, les parois de la chambre-piscine sont fines et l’insonorisation absolument inexistante ; on entend tout. Donc étant au courant des projets d’expulsion que fomentaient en catimini les deux femmes, je me préparais à entrer en résistance. Si ma mère voulait se libérer moi, moi je ne me sentais pas du tout prisonnier.
Je crois qu’au moment des contractions et des poussées je terminais l’écriture de : «Un Spermatozoïde en plein devenir» Une mini bio. Et ce dérangement en pleine créativité me perturbait. Je ne comprends pas pourquoi les gens insistent autant quand on leur a dit : Non ! Et non je ne sortirais pas. Je suis en pleine ecriture….et !!
Mais… ignorante de l’état de grâce dans lequel on flotte dans ses instants ou l’inspiration vous illumine, vous traverse, vous submerge et devant mon refus d’obtempérer ; l’accoucheuse usa de grands moyens.
Elle introduisit dans ma grotte une énorme pince plate pour me choper par la tête. Grâce à cette arme redoutable cette chasseuse de bébés, qui avait dû faire trappeur dans le grand nord canadien, parvint sans trop de difficultés à atteindre sa proie. C’est ainsi que la tête prise en étaux dans une pince à gâteau appelée forceps je naquis bien contre mon gré un beau jour de septembre. C’était ma première visite dans cette grande maison et pas la dernière.
Trois ans plus tard, percuté par une moto j’y retournerais un bon moment et j’en sortirais sauf. Je n’ai pas écrit sain puisque quelques séquelles s’en suivront.
Après et jusqu’à l’âge de 17 ou 18 ans mes visites se régleront au rythme d’au moins deux à trois par ans pour de petits bobos sportifs ou de plus grosses casses. Par la suite j’espacerais le rythme de ces vacances forcées qui ne tenaient ni de la sinécure ni du pèlerinage.
Vous en énoncer la liste par le détail serait long et fastidieux. Ce qui est à souligner c’est que j’ai parfois pris des risques incroyables et démesurés, toujours parfaitement réfléchis et calculés qui n’ont entrainés aucun d’accident et que les pépins qui m’ont conduit à retourner régulièrement saluer les infirmières ont toujours tenu à un incroyable manque de pot.
Combien de fois suis-je allé chercher au bout du tunnel cette lumière blanche qui nous délivre parait-il et indique la porte de sortie ?
Combien de fois ? Avant que mes yeux, croyant s’ouvrir de l’autre côté du miroir, ne découvrent dans une clarté aveuglante de néons le visage flou d’hommes et de femmes en blanc et qu’une voix à la fois lointaine et proche me rappelle que tout allait bien ? J’en ai quelques vagues souvenirs.
Non, ce n’était pas mon heure. Pas mon heure. Comme toujours avec ma sacrosainte horreur d’arriver en retard, même si tout semblait me prouver le contraire, j’étais juste en avance au rendez-vous où mon nom n’apparaissait encore sur aucuns registres, aucunes listes où il aurait pu, en plus et comme dab, être mal orthographié.
Epilogue…
Ma dernière visite, ou plutôt mes dernières visites puisque mon stage d’accompagnateur a duré cinq jours, c’était la semaine dernière à l’hôpital Sainte Musse de Toulon qui est en réalité à La Valette du var, où ma petite sœur subissait l’ablation de la moitié du poumon droit.
L’opération c’est très très bien passé. Mais saurais-je trouver les mots pour remercier le docteur Hocine Lah-lah ce chirurgien thoracique et cardio vasculaire de talent ainsi que toute son équipe ? Aurais-je les mots ? A par Merci ! Les yeux encore embués d’émotion ! Merci ! Monsieur et merci Mesdames.
Souffrir…
Au réveil, si tout y était passé de la panoplie complète de produits illicites dans la vie courante mais reconnus pour leurs vertus apaisantes dans un cadre médical jusqu’à la morphine ; ce soulagement, au-delà des effets soporifiques ne fut que provisoire. Et quand après ses sommeils artificiels l’esprit se réveille la douleur se réveille aussi.
On a beau être présent, comprendre, croire que l’on partage, à vrai dire on croit mais on ne partage rien. On assiste impuissant. Car si la douleur me traversait, ma douleur à moi n’était que morale tandis que la sienne immuable et lancinante malgré les drogues et les médocs était physique.
J’aurais tout donné pour prendre sa place ne serait-ce qu’une heure, un jour pour voir ou revoir enfin son visage se décontracter et reprendre malgré les stigmates qui crispaient son regard, reprendre un visage humain.
Derrière les sourires qu’elle dessinait plus pour moi que pour elle je devinais l’ampleur du mal qui la rongeait. Terrible position que celle où l’on voudrait pouvoir agir et où je ne me suis jamais aussi senti seul et aussi inutile face à cette adversaire invisible qui la rongeait et me narguait. Terrible sentiment que l’impuissance.
Souffrir ! Bien sûr avec le temps… Mais dans ces moment-là dieu que le temps passe lentement. Mes nuit sans sommeil furent à la fois trop longues et trop courtes. Des nuits remplis d’images et d’un temps inexistant. Ha mes nuits… mais les siennes par bonheur furent un havre de soulagement. D’ailleurs au matin je n’avais pas besoin de l’interroger son visage me répondait sans besoin de longues phrases explicatives.
J’avais déjà, vécu ce genre de situations ; mais qui s’habitue ? En tout cas pas moi. Pas moi pour cette petite sœur devenue grande mais qui reste à tout jamais la petite fille que je maillotais, à qui j’apprenais à chanter et à faire de toutes petites bêtises. Une petite sœur fragile dont je reste à la fois le frère et le second papa par procuration. Il me tarde que tout ça ne soit plus qu’un lointain très lointain souvenir.
Ainsi Va la Vie…
(A suivre…)
Williams Franceschi
Photo 1: Williams (1992)...Photo 4: (1996) Valérie et mon fils Davy Photo 5: (1987) Valérie et Williams
CONSEILS de la SEMAINE
1) Festival: 36e Festival du Premier film Francophone du 30 mai au 3 Juin à la Ciotat
2) Concert: Stéphane DANIEL le 8 Juin "Auberge du Prieuré" 05300 Ventavon
3) One woman show: Laura LAUNE Le diable est une gentille petite fille à partir du 1er Juin à la Comédie de Paris
4) Concert: Marcel Amont du 1 au 3 juin La fontaine d'Argent Aix en Provence
5) Roman : La peau d'Anna de Nathalie Gendreau Ed Diacres...
Dans mes conseils je souligne le superbe livre de Nathalie Gendreau ; La Peau d’Anna. Je l’ai dévoré ! Le rapport entre ce père atteint de la maladie d’Alzheimer et sa fille qu’il retrouve après 35ans d’absence… L’écriture de Nathalie Gendreau sur un sujet aussi délicat dans sa fluidité et sa limpidité vous entraine, vous tient, vous retient…. J’insiste ! Je vous le conseille vivement !
Nathalie Gendreau dédicacera son roman au "Festival des Mots Libres" à Courbevoie le samedi 2 et dimanche 3 juin dès 14 h !
6) Concert: Charlotte Valandrey Bateau-théatre Le Nez Rouge 1 juin à 21h
7) Exposition et baptême de l'air: Aéro-club Luçon-Chasnais du 30 juin au premier Juillet (85) Chasnais en Vendée
8) Concert: Joan Baez à l'Olympia du 4 au 17 juin
9) Humour: Roland MAGDANE Samedi 26 mai / AVIGNON
Samedi 2 juin / LIMOGES...Vendredi 22 juin / BELFORT... Samedi 23 juin / COLMAR
10) Concert: Augustine Hoffmann le 9 Juin Forum Léo Ferré (94)Ivry-sur-Seine
Exceptionnellement il y a un 11eme conseil :
11) Salon du livre et de l’imaginaire : Expositions, animations Spectacles et ateliers
Dont deux ateliers d’écriture jeunesse dirigés par Régine Franceschi...Le Samedi 9 juin à Marignane (13)
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