Ainsi Va la Vie… épisode n°225… Il y a toujours un coin qui nous rappelle….
Il y a comme ça des lieux, des lieux féeriques magiques ou pas, certains d’ailleurs vues de l’extérieur, à froid, sans préparations, sans explications, sans initiation ; pourraient même paraitre glauques.
Mais ces coins qui nous rappellent… sont le plus souvent des lieux qui ont simplement marqués une ou plusieurs périodes de nos vies. La nôtre de vie, juste la nôtre plus que tout autre et par la même marqué nos souvenirs d’une petite empreinte, petite mais indélébile.
Ces endroits nous appartiennent. Presque égoïstement. Ils sont à nous. Et on ne les partage que pour en flatter ou justifier leur beauté, leurs couleurs, les sensations qu’ils nous rappellent, les sentiments qu’ils transportent dans notre inconscient jusqu’à leur odeur devenu parfum, leur rareté, leur coté carte postale, ou le plus souvent, pour laisser ressurgir l’espace d’une discussion sans fin, ou tout seul le regard dans le vague, les fantômes qui les traversent. Mais pas tous les fantômes. Parce que pour certains ; nous sommes les seuls à voir, sentir ou deviner leurs présences. Et ces fantômes-là passent en silence comme s’ils flottaient dans un rêve avec juste un regard, un sourire qui n’appartient qu’à eux et ne s’adresse qu’à nous.
Mais la nostalgie des souvenirs, ce n’était pas le sujet du jour. Bien sûr on pourrait élargir cette idée de base et parler de notre ville natale, d’un pays, d’une région à laquelle nous sommes attachés ; surtout ou plus encore, lorsqu’on s’en est éloigné.
Il y a peu, une amie me parlait de l’Algérie de sa prime enfance, puis de ces iles espagnoles où elle avait grandi avec dans la retenue de ses mots et la boule qui peu à peu entravait la fluidité de ses phrases plus que de la nostalgie. J’ai ressenti malgré toute la pudeur qui entourait ses propos, la mélancolie border l’immensité de ses souvenirs qui en nuages, traversaient le bleu du ciel de ces yeux sans les assombrir.
Il y avait dans sa voix et le voile humide qui brillait dans son regard, les cicatrices profondes d’un manque qui ne guérira jamais, même si en apparence, elle pense avoir appris à vivre avec, ou sans.
Bien sûr, sa vie ne s’est pas arrêtée sur les rivages et dans le reflet des flots bordant une terre si proche et si lointaine. Bien sur la vie a poursuivi sa route. Bien sur l’histoire, en s’inscrivant dans les livres à sa manière et déformée par le temps, a donné place à une part d’oubli tout en marquant certaines périodes au fer rouge ; bien sûr.
Et aux questions permanentes, qui reviennent comme un leitmotiv, même sans les prononcer : Et si ce chambardement n’avait pas eu lieu ?… si la vie avait simplement suivi son cours ? Ou en serais-je? Oui, où en serait-elle si ce début de parcours s’était arrêté en ces lieux qu’elle vénère aujourd’hui? Sa vie, qui même sans ça fut une véritable aventure humaine digne d’un roman, comment se serait-elle écrite ? Dieu seul le sait !
En tout cas, d’autres très belles rencontres et entre autres celle qui la fait trembler des doigts et papillonner les cils aujourd’hui n’aurait pas vu le jour. On y pense parfois mais on ne change pas sa destinée.
En vous posant cette photo du sentier des lézards à Carry le Rouet dans sa perspective rocheuse vers la mer et cet épar, jolie balise qu’on a toujours surnommé phare et qui n’en est pas un, je pensais à des lieux plus intimes juste des petits lieux, petits mais marquants. Et cet endroit-là en fait partie….
Même si j’aime la campagne, parce que j’y habite et que je m’y sens proche de la nature, je suis d’abord un enfant de la mer. Etrange cet appel de la grande bleue et de cette communion avec cet élément depuis ma naissance.
Ainsi, mon existence regorge-t-elle d’instants aux odeurs salines, mouillés par des embruns ou des vents violents venus du large me fouetter le visage. Des instants où les huiles bleues du ciel se mêlent aux aquarelles toutes aussi bleues de la mer et se noyaient parfois sous un soleil couchant sur le bleu de ses yeux et le blond sable de ses cheveux… quand ce ne fut pas dans de superbes vagues brunes aux reflets nuit sous un soleil brulant… Des images traversent ma mémoire et s’envolent comme des foulards pris dans le vent…
Je pensais à des endroits qui à eux seuls peuvent faire resurgir un incroyable florilège d’images du passé et dans le lot, des instant inoubliables gravés à tout jamais. En regardant ce phare posé sur cette pointe rocheuse à fleur d’eau pour prévenir les bateaux du danger, je me demande combien de fois j’ai pu emprunter ce chemin après m’être garé sur le parking du port. Combien de fois, en toutes saisons et toujours juste au lever du jour ?
Dieu que c’est beau l’aube montante. Ce point du jour, ce soleil qui se lève sur la mer, quand l’aube devient l’aurore. Par tempête ou mer d’huile que c’est beau. Si beau que les mots n’ont pas assez de force et de poésie pour exprimer ce que les images de la nature déploient.
J’ai toujours vécu cet instant magique comme un privilège. Le privilège de ceux qui se lève tôt pour assister à un phénomène tellement banal et pourtant tellement magique. C’est l’heure où à part le chant des vagues qui fredonne sa mélopée sur le sable ou les rochers, le silence joue sa plus belle partition. C’est l’heure où il n’y a personne ou presque. Et les présents sont si discrets qu’on ne les
remarque pas.
A cet endroit précis, la première fois je n’avais pas vingt ans une combi prêtée par un ami plus fortuné avant de pouvoir m’en offrir une « Au Vieux plongeur » à Marseille grâce au prêt d’un autre ami, c’est vous dire si les temps étaient difficiles et pourtant, nous étions heureux. Combien de fois ai-je pu emprunter ce chemin bardé de cannes à pêche ou le plus souvent, en combi, avec ou sans fusil, pour chasser ou explorer les fonds ? C’est incalculable.
Bien longtemps plus tard… c’est là, ou juste à quelques encablures, que j’ai appris à mon fils à se servir d’un tuba et de palmes. C’est juste à côté, qu’il a fait son baptême de plongée sous-marine en bouteilles un an avant l’âge minimum requis. Là encore qu’il a péché ses premiers Gobis, ses première seiches, son premier poulpe…
Oui ce petit port de Carry est chargé d’une quantité incroyable d’images comme le reste de cette cote bleue d’Ensues à Carro qu’il me semble connaitre par cœur.
Parce qu’au fond, à bien y réfléchir ces lieux, n’ont rien d’extraordinaires à part la fascination qu’on leur voue et qui les empêchent de quitter nos mémoires. Là je vais trop vite, non certains lieux sont quand même très beaux.
Personnellement je suis attaché à des bords de mers idylliques et aussi à des quais de port, qui sortis de leur contexte dans leur imbroglio de mur de pierre, de bittes d’amarrage rouillées et de cordages à l’abandon, ne peuvent parler à personne à par moi parce qu’ils constituent le décor de mon enfance et d’une partie de mon adolescence entre la rade de Toulon et le port Saint Louis du Mourillon.
Mais quittons la mer, il y a aussi des chemins dans la colline qui sentent le thym et l'herbe sèche, peuplés de personnages invisibles mais qui parlent forts et avec les mains, et sembleraient sortis de romans de Pagnol s’il n’était pas des oncles, des tantes et des cousines bien de ma famille. Il y a le quartier de mon enfance qui n’a rien de… et pourtant il m’oblige souvent à faire un grand détour rien que pour le traverser, revoir cette place, l’école maternelle, le bar qui fait l’angle, ces platanes aux écorces scarifiées par nos lames pour immortaliser un amour qui se croyait déjà immortel dans ce cœur traversé de deux initiales.
Est-ce que là encore j’y cherche des fantômes, ou des visages de gens bien vivants qui auraient franchi le temps et feraient le même voyage que moi ou s'y seraient naufragés, immobiles, toujours à la même place, témoins d’une époque? Certainement. Ce n’est qu’un retour aux sources pour s’imprégner d’images, d’odeurs, de parfums inoubliables. Ces lieux, on en a tous. En tout cas je vous le souhaite.
Je voulais vous parler de lieux qui nous ont marqués, comme si je reprenais à mon compte la chanson de Séverine «Un banc un arbre et une rue»… une enfance trop brève ou ; « Il y a toujours un coin qui me rappelle » de l’ami Eddy…
Ces lieux magiques, magiques d’ailleurs plus pour nous que pour les autres, qui nous suivent souvent par compassion dans nos pèlerinages.
Ces lieux que l’on retraverse en espérant parfois, y croiser le visage d’un copain, d’une amie, d’un amour, qui aura marqué nos cœurs ou un rendez-vous manqué.
J’ai commencé cette chronique à Carry le Rouet dont le chemin face à la mer m’a souvent inspiré et servi de décor. Décor de quelques textes et du film de mes romans. Et si aujourd'hui j'osais en pénétrer les pages pour les vivre ou les revivre? Ou peut-être même en écrire physiquement la suite. Essayons...
C’était une soirée d’anniversaire. Pouvait-il imaginer en s’approchant d’elle qu’elle ne quitterait plus jamais ses pensées? Qu’en la plaquant contre lui le temps de la chaleur d’une danse une incroyable force magnétique allait électriser son cœur et son esprit au point de se sentir incapable du moindre mot, du moindre geste, de la moindre réaction. La suite devait-elle s’écrire dans la lumière d’un coucher de soleil sur une mer calme mais rougie au large de Carry comme dans l'une de ses histoires ou c'est elle qui apparait dans son dos alors qu'il regarde le large... La vie, un jour, deviendrait-elle les pages, puis la couverture hyper romantique et réaliste d'un roman d’Amour?...
Allez savoir qui du rêve ou de la réalité engendre l'autre ?
Ainsi va la vie….
Williams Franceschi
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